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Le tour d'Andorre (GRP) : Récit de randonnée (1/2)

Publié le par Scapildalou

Les z'ids, aka les identitaires ont souillé notre montagne, celle que j'aime, les Pyrénées. Non content d'assassiner des immigrés, de tuer des camarades en toute impunité puisqu'ils sont couverts par la police qui a grand-remplacé l'égalité sociale par la matraque, voilà qu'ils viennent faire des tours inutiles en montagne, juste de la com', pour faire croire qu'ils stoppent les routes de l'immigration. Un des leurs a assassiné un de mes camarades. C'est nous qui avons pourtant été levé. Au commissariat, le flic chargé de l'enquête m'a dit, plusieurs semaines après, en parlant de l'identitaire qu'il a finit par identifier comme étant l'auteur du meurtre « ne vous inquiétez pas, il est derrière les barreaux pour un bon moment ». J'ai failli lui répondre « on en reparlera ». Mais comme je venais déjà de le comparer à Pinochet et Videla, j'ai fais un cours de dialectique en disant « ah oui ? Et comment je fais moi, je suis contre la prison. Je fais comment, hein ? » J'aurai dû pourtant lui dire « on en reparlera ». Neuf mois plus tard, l'assassin était relâché.

Que dalle. Ces routes empruntés par les migrants, dans l'autre sens, étaient empruntés par les juifs en 1940. Les miliciens essayaient déjà de barrer les chemins de berger, ceux qui vont du béton aux salines. Dans un sens ou dans l'autre, ils ne sont jamais contents ces fachos... Et puis comme si les migrants passaient la montagne l'hiver ! Ils se sont arrangés pour ne servir à rien, ces imbéciles.

Alors pour conjurer leurs horreurs, je livre ici le récit de ma rando d'été, la longue. Je l'avais publié sur mon autre blog mais cette fois je vous en livre la version corrigée et agrémenté de quelques réflexions. En espérant qu'elle épuise la situation de confinement qui nous agace tous...

 

Jour 1 : L'hospitalet - lac du Siscar. 3h00 Dénivelé + 700m. Chaleur-soleil

En guise de départ en rando on a vu mieux. Je vais à la gare mais en bagnole. Le métro ligne B à Toulouse est foutu depuis qu'un immeuble menace de s'effondrer. La fréquence des bus est toute tiermondiste sans compter qu'ils sont bondés comme pas possible. Deux jours avant le départ, je me suis trouvé dans un bus blindé. Personne pour indiquer quels bus prendre en fonction des destinations, et un monde de dingue à l'intérieur. « ce n'est pas comme si nous étions en urgence sanitaire » me dit le type à côté de moi avec qui j'engage la conversation. Lui est en passe de manquer son train puisque rien, aucune alerte n'était affichée sur internet. « ce serait un train à 100€ je serai énervé » me dit-il avec flegme. « ça va, c'est un Toulouse-Bordeaux, c'est 10€, je devrai avoir le prochain ». « à ce rythme, je lui répond, tu devrais plutôt penser à celui d'encore après ».

Bon, du coup je laisse la voiture aux Argoulets et me rend à la gare avec mon sac qui pèse un âne mort. Environ 15-16Kg pour un bonhomme de 1m70 au garrot et de 63Kg. Mine de rien, j'ai six jours de provision, quelques sapes, le sac 'O'°C. Le tout est rangé, serré, ficelé dans des sacs de compression dont, comme à chaque fois, j'ai appris par cœur la place et l'ordre de rangement. Et puis comme j'ai marché cette année, je suis déjà affûté au niveau matériel, j'ai ce qu'il faut, rien de plus. Quoiqu'il en soit, j'arrive à la gare en manquant d'écraser sous mon barda deux ou trois touristes. Un train devrait partir pour l'Hospitalet, je ne le vois pas affiché. Je vais à l'espace de renseignement mais il est fermé. Là non plus, aucune indications pour savoir où il a été transféré. C'est très Toulousain décidément. Je trouve une employée de la SNCF. « ça fait un an que cet espace a été fermé. Compression de personnel... » Eh ben... Elle prend les horaires. Visiblement il faut plus que deux bac plus 5 pour les comprendre, elle-même a du mal à s'y retrouver. Pas de bus avant quatre heure – ah oui, au fait, la ligne de train est encore en travaux. Je suis dépité.

Je retourne aux Argoulets : pas de train = trajet en bagnole. Au moins je ne risque pas de louper le bus du retour. Du coup je prends le temps. Je m'arrête à Foix pour y petit-déjeuner et prendre un autre café – et aussi retirer de l'argent, car le distributeur de la gare a lui aussi été fermé.

Je me dirige ensuite lentement vers l'Hospitalet. Il y a des bouchons monstres à Tarascon, mais ça finit par passer. Je ne suis pas pressé. Je prends un coca à l'Hôtel près du départ et tente de discuter avec le patron qui est l'inverse d'un intello sympas. À chaque fois j'essaie, peut-être un jour sera-t-il sympa et pertinent, ça vaut le coup de s'y reprendre. Je discute aussi avec deux randonneurs parigos mais avec cette race là aussi c'est compliqué. Tant que tu ne viens pas de Paris, ils ont toujours leur air supérieur et cette manie de prononcer les noms des bleds en les écorchant. « Prat-balagué » qu'ils disent. Ça coûte pas plus cher de prononcer « pratss-balaguère ». Je leur donne des infos qu'ils n'écoutent pas. S'ils veulent éviter les meilleurs vallées, c'est leur problème. Je fais le plein d'eau, un coup de crème solaire et je décolle à mon tour, direction le lac du Siscar et sa cabane littéralement située au dessus de l'eau. La montée me paraît confondante de simplicité. En début de saison elle est dure, mais là je suis tout de même pas mal paré, randos récentes et sport oblige. Je fais une première pause à mi-montée, là où le chemin traverse le cour d'eau avant de se séparer vers droite (au nord) en direction du Pédourès et vers la gauche (au sud) vers le Siscar. Il y a deux ans, j'avais rencontré deux types, probablement nord africain entrant en france. Ils avaient l'air éreinté de la nuit fatiguante qu'ils venaient probablement de passer en altitude. Je leur avait dépanné de la bouffe. C'est là que j'avais appris qu'ici passaient des routes de migrants. Bref, je pose mon sac quand arrivent quatre pépères : « il a l'air bien lourd ce sac » me fait l'un d'eux. J'explique que je vais faire le tour d'Andorre. « nous on a 76 ans », et ils viennent de se taper une rando pas facile dans un temps que j'aurai du mal à tenir (le tour Siscar-Pédourès). Ils se vannent entre eux « on est pas tous des vieux » fait l'un d'eux qui doit tourner autour des 60 ans. Je fais remarquer aux anciens « vous voyez comment les jeunes vous parlent ! Ils n'ont plus aucun respect ! » Du coup ça vanne encore plus sec. Ils finissent par s'en aller en continuant à se charrier. Ça vaut le coup ce système de retraite par répartition. J'espère être à l'affût comme ils le sont quand j'aurai leur âge – si tant est que j'y arrive. Non que ce ne soit possible, mais j'ai moins de la moitié de ce qu'ils affichent au compteur, donc c'est dur de se projeter.

Je reprend mon sac et continue. Il y a des framboisiers sauvages et des myrtilles chargées de soleil à cet endroit. Je me fais plaisir. Rien ne presse j'ai dis. Et puis ce serait dommage de se priver. J'arrive en quasiment trois heures au Siscar. J'ai eu fais cette montée en 3h30 avec des sacs plus légers.

Il y a un couple de catalans sympas qui est déjà à la cabane. On parle qui en français, qui en espagnol. Bon, c'est pas à bâtons rompus, mais ils sont sympas, la cinquantaine, biens conservés, tranquilles. On s'échange des informations, on parle de randos, de projets de marche, d'anecdotes. La nuit vient, je me couche en premiers dans la cabane. Quatre gros lérots sortent et s'attaquent méthodiquement aux affaires des catalans. Comme je suis trop KO à cette heure-ci pour leur expliquer clairement ce qu'il se passe, je balance mes pompes sur les bêtes mais, pris d'un accès d'éthique, je finis par aller chercher les collègues pour leur expliquer que les rongeurs se livrent à un assaut en règles, un pillage méthodique de leurs affaires. Les catalans essaient de disposer leurs sacs mais je crois qu'ils aperçoivent une bête bien forte et, gaillardement, enlèvent en cinq sec toutes leurs affaires pour monter leur tente et se réfugier dedans.

J'ai envie de leur dire qu'en France, on perd toute les guerres, qu'on s'est écarté du chemin plus vite encore qu'eux ne l'ont fait devant les rougeurs à chaque fois qu'un allemand s'est attaqué à notre bouffe comme c'était le cas en 1814, en 1870, en 1914, en 1940, et en 1954 en coupe d'Europe de foot mais que cette fois, non je ne fuirai pas. Bon, pas sûr qu'ils comprennent ces allusions au 2ème degré, je ne dis rien. Puisqu'ils se sont barrés, je profite de deux fils tendus au milieu de la cabane pour attacher mon sac. Les fils semblent guère résistants et vu son poids, mon sac aussi est mis à l'épreuve, mais les lérots ne peuvent qu'abdiquer. Bref, je vais passer une nuit au calme. Lorsque je me réveille le lendemain, les catalans sont déjà partis – ils m'avaient dit qu'ils entameraient tôt leur rando. Je vois un rat immense en bas de la cabane. C'est ce spécimen qu'ils ont dû voir. Mais lui n'était pas dans la cabane. Les lérots sont facétieux, et jolis en plus, il faut juste trouver le moyen de ne pas les tenter, et tout va bien. Ils ont beau se manger entre eux en cas de disette, ils ne s'attaquent pas à l'humain.

 

Jour 2 : Lac du Siscar – cabane d'el Serrat. 9H00/9h15 de marche. Beau temps, grosse chaleur. Env. 2000/2200M de dénivelé

Je me lève donc et entame peu de temps après la journée de marche par le porteil du Siscar, frontière avec l'Andorre. C'est une belle montée, je l'aime bien, j'y ai vu des empreintes d'ours il y a deux ou trois ans. A l'époque j'étais à la rue, sans logement, c'est pas mon meilleurs souvenir mais j'avais fait la montée avec un type qui finissait la HRP. Il rationnait son thé : un sachet pour trois jours. Je lui avait filé quatre sachets, c'est comme si je lui avait donné de l'or. Je descend à présent vers la cabane du Siscaro où il y a une source d'eau (je monte presque sans eau pour être plus léger). Je vois des marmottes, les premières – j'en verrai presque tous les jours. Elles sont à quelques mètres, elles ne m'avaient pas vu arriver.

J'arrive à la cabane du Siscaro, mon lieu de jonction avec le GRP-tour d'Andorre (que j’abrégerai dorénavant en GRP).

À dire vrai, j'ai emprunté une fois le chemin en sens inverse ici, mais je le perds directement, erreur d'orientation sans conséquence – je ne passerai donc pas au refuge du Juclar. Ceci-dit, les chemins là-bas sont bondés. Ceux que je vais prendre dans l'immédiat le sont aussi mais au moins je ne les connais pas. Ils ont beau être faciles d'accès aux touristes, ils sont chouettes. Toutefois je descend jusqu'à un bled, ça veut dire que je vais avoir à me taper une montée en plus que j'aurai dû éviter. Au bas mot, 500m de dénivelé positif en plus, dans une journée qui compte trois cols sans compter celui du Siscar qui n'était pas prévu mais que je me suis rajouté du fait de commencer le chemin en France. Il fait chaud, le soleil tape. Lorsque je retrouve le GRP, je me fais une pause. Je n'ai pas mal au bide mais je sent que ça ne s'annonce pas bien. Deuxième jour, le premier sur le chemin, et je sent que ça cloche. Mais je ne vais pas faire une crise cardiaque, je l'ai pas lu dans les astres, donc ça ne sert à rien de s'inquiéter et je passe un premier col avant d'arriver à une cabane qu'un couple de Français m'avait décrite comme bondée. Elle l'est, et pas seulement par des randonneurs scrupuleux. Derrière la cabane il y a des toilettes chimiques : ils sont remplis de sacs de déchets. Comme il n'y a pas d'eau, je ne reste pas plus longtemps, il y a trop de touristes qui viennent faire trempette dans un lac qui est le cul de sac d'une petite vallée qui sans leur présence serait très belle. Je passe un second col. Cette fois c'est un peu plus dur, il y a un sacré dénivelé et je marche depuis plusieurs heures. En plus, je n'ai pas fais le plein de flotte depuis le Siscar et il fait chaud. Ce n'est pas pour autant que le paysage vers le sud doit être ignoré. On voit tout le centre d'Andorre y compris les pans de montagne cassés par les stations de ski mais d'ici les ravages se confondent dans le paysage. Je double un type qui ressemble à l'archétype que je me fais du canadien. J'arrive au col, en 200m de dénivelé, j'ai foutu 5 minutes au canadien qui était parti 10 min avant moi de la précédente cabane. C'est pas une course, mais ça offre des repères sur l'état de forme physique – précieuse information en cas de pépin, sous l'orage par exemple et qu'on doit se prendre à forcer. Là, je sais que j'ai le coffre, ça enlève de l'appréhension. Je profite un peu du paysage et surtout je scrute ce qui me reste à faire aujourd'hui. Je me rend compte que j'ai un nouveau col à passer et celui-là fait partit des plus haut du GRP. Ça me fait un petit coup au moral mais il y a encore deux cabanes avant. J'entame la descente, fais le plein d'eau fraîche à une source (j'ai toujours un peu le bide en vrac) et atteins une première cabane près d'un lac dans lequel des touristes plongent pour souiller l'eau pure de la crème solaire dont ils se sont badigeonnés pour protéger leur peaux des mortels rayons du soleil. Ils se protègent du crabe avec une pâte faite de produits parmi les plus toxiques qu'il soit (avez-vous déjà visité une usine qui fabrique la chose ? Moi oui, et c'est pour cela que je mets seulement à peine deux petites touche par jour au maximum – je ne choperai aucun coup de soleil durant la rando, ni même durant tout l'été). À la cabane j'entends un groupe de braillards chanter « aller-aller / les bleus et blancs de l'aviron Bayonnet ». Bon, ça ne trompe pas : c'est des français. Une vrai colonie du CAF je pense, une sorte de club de rencontre pour looseurs, un magnifique jeu de touche-pipi pour tous âges. Les vieux pelotent les plus jeunes qui semblent ne pas tant en demander. Dites-donc, ça à l'air mieux que les plans cul sur internet leur truc... le guide n'a pas l'air d'être le dernier à palper, mais je lui parle d'autre chose. Ce qui m'intéresse, c'est le chemin à venir et la flotte. On discute un peu. S'il n'avait pas été avec ces frustres, je lui aurai bien posé des questions mais comme eux le paient pour ce service, je n'ose pas lui en demander plus gratuitement. Il fait la moue en me disant que dans quelques jours il accompagne un groupe sur les chemins cathares. Et oui, ça fait partie du métier... Le groupe prends leur papi-malade (un des types de leur groupe est livide, il n'a pas l'air de supporter la chaleur et semble à deux doigts de l'apoplexie) pendant que les gonzesses se rhabillent. Je décarre quand arrive mon canadien. Je discute avec lui : tu parles d'un canadien, il est russe oui ! C'est bien le premier que je rencontre dans les Pyrénées. Des ours j'en ai vu, mais des russes...

Bon, je reprend la route vers une cabane qui est située à plus de 2700m d'altitude, une des plus haute du secteur, des Pyrénées peut-être, et je compte bien battre mon record de pionçage en altitude mention 'cabane'. Le soleil commence déjà à descendre et comme le col est sur une crête orientée nord-sud, je passe de plus en plus de temps à l'ombre. Je fini par trouver la cabane : elle est ce que tout le monde déteste, et j'en entendrai du mal : un sorte de mauvaise cave à fromage dans laquelle trône en guise de seul mobilier un bac flanc en bois étonnamment récent. Il, n'y a pas de porte d'entrée. J'adore, j'aimerai y dormir, mais il faudra remettre ça : il n'y a pas d'eau à proximité. Je suis déçu. Je repense au guide Français qui m'a dit à, la précédente cabane « si j'étais toi, je resterai ici ». Je me demande si je n'aurai pas dû l'écouter, fatigue oblige. Je continue ma route, passe le dernier col de la journée et descend dans une vallée assez sauvage. Il n'y a pas de bêtes ici, j'en prend plein la vue. J'arrive enfin à la cabane dans laquelle je voulais dormir 'au mieux', c'est-à-dire mon objectif maximal de la journée. La cabane est située dans une sorte de pré fait d'herbes hautes, de fleurs, dorées à cette heure-ci par le soleil qui se couche à l'ouest sans être cette fois masqué par un col. C'est magnifique. Un gros ruisseau bordé de quelques feuillus coule tel un voile transparent. Quelques insectes viennent égailler la scène. La cabane au milieu de ce faux-plat paraît être un apaisant refuge. Elle est petite, deux couchette, mais elle est de celles que j'aime le plus. À la vache, c'que c'est calme et beau ! Il ne manque rien !

Je fais ma toilette après avoir lavé mes fringues. Je fais de longues pauses entre chaque action pour observer les couleurs qui changent avec le soleil couchant. La même scène peut avoir trois aspects différents en moins de cinq minutes. Je vaque lentement à mes affaires quand le russe finit par arriver. Il avait deux heures d'avance sur moi en début de journée, je lui ai collé une heure en fin de journée (bon, il s'est tout de même tapé une sieste à la précédente cabane, calme depuis que la colo-française l'avait quitté). En forme quand même, je vous dit. On tcharre en espagnol et un surtout en Anglais. Il est moniteur de ski en andorre depuis moins d'un an. Il est pris au piège à cause du covid et ne peux rentrer en russie. Il s'appelle Ilya, il vient de Toula. « tu connais ? » qu'il me demande. Oui, c'est à deux-cent soixante bornes au sud-ouest de Moscou. Il a l'air surpris que je connaisse le lieu avec cette précision. Comment ça se fait, demande-t-il. Je bafouille... « euh... La fabrique de Samovars qui s'y trouve » Là, il est bluffé. Bon, en vrai je connais non parce que j'aime les samovars (en fait, je ne sais même pas à quoi ça ressemble ! ) mais parce que je viens de lire un bouquin sur l'embuscade que Vassilievsky et les camarades soviétiques ont tenu aux nazis là-bas à l'hiver 1941 et parce que Toula a été la base de transition du régiment français de pilote de chasse qui est allé combattre le boche en 1943 (le front était à moins de 300 bornes). Mais ne sachant pas à qui je parle, je m’abstiens de le lui dire. « c'est une ville connue aussi pour sa fabrique de flingues, c'est là qu'y sont fabriqués les armes de poing de l'armée russe » continu-t-il. Un russe qui me parle de flingues, allons-y...

On tcharre jusqu'à ce qu'il me dise : je vais faire un feu je crois, ça ne te dérange pas ? Je pense que je suis trahis par la gueule que je fais. Il n'y a pas de bois dans la cabane, ou pas assez, ça veut dire qu'il faut aller en couper. Je n'en n'ai pas envie mais bon. Je prends la scie et bondis hors de la cabane : « je vais en couper » et je trace. Il me rejoint un peu loin, parce qu'en plus j'avais bien noté qu'il n'y avait pas de bois mort à proximité. Il vois ce que j'ai déjà coupé et prends une mine ayant l'air de dire « pas mal, pas mal... » Il me prends la scie : « je vais couper ça » je ne comprend pas ce qu'il veut couper. Lorsque je percute, je me rend compte qu'il ne veut rien moins que couper un tronc ou presque. Je manque de m'étouffer et de lui demander s'il déconne. Non. Non, il ne déconne pas. Eh bien le type ne m'aurait pas dit qu'il était moniteur de ski, je l'aurai cru bûcheron ! Moi et ma vitesse de marche à côté, c'est de la gnognotte. L'enfoiré... j'aurai plus de mal à couper du beurre. On rentre avec le tronc qu'il porte comme si c'était une allumette. Je porte l'autre bout, et on a l'impression que je suis Jésus en train de porter ma croix en plus de celle du péquenot d'à côté. Là, il fait une tête voulant plutôt dire « ne meurt pas hein, ce serait dommage que tu ne vois pas brûler le petit bois que tu t'es échiné à scier ». Dans l'affaire je perds mon troisième briquet en deux jours. Heureusement que j'ai mangé avant. Pas de briquet, ça veut dire pas de repas, ni de café. Merde. Ça me fout les nerfs, mais ça devrait pouvoir se réparer.

Je me couche tôt. « un vers de tequila ? » me propose-t-il. J'ai envie de lui gueuler « t'as décidé de m'achever ? »

Lorsque je me lève le lendemain, je trouve mon briquet à moins d'un mètre de la cabane, là où j'avais débité une partie du tronc qu'on avait ramené. Tout va donc pour le mieux. Un coup de café, je plie mes affaires et décolle après avoir salué Ilya.

 

Jour 3 – cabane d'el Serrat – Cabane de l'Angonella par le Port du Rialt. 7H30 env., beau et très chaud. Env 2000/2200 m de dénivelé

Je descend la vallée qui longe un ravin et j'arrive très vite à un refuge gardé (Sorteny) mais là, à cette heure-ci, il a l'air d'être vide. Pourtant il est ouvert en principe, mais il n'y a aucun signe de vie. Le covid change toutes les règles... Je quitte le GRP. Après une petite montée, le chemin descend en principe vers la vallée et oublie un petit massif au nord ouest d'Andorre. Je trouve ça bête de ne pas le tourner, je quitte donc le GRP pour la journée et oblique au nord. Je passe un petit col et descend dans une vallée que j'ai emprunté en sens inverse l'an passé. Je grimpe, croise quelques randonneurs matinaux et m'oriente vers le col du Rialb. C'est dur. Je m'arrête pour grignoter parce que cette fois je piétine. Le soleil tape. C'est sauvage ici, rien en vue. Je seuis seul entre les crêtes, à côté d'un ruisseau. Même pas un randonneur à présent. C'est calme et la vue est magnifique. J'en profite. Je redémarre : avec le ventre remplie, ça passe mieux. J'atteins facilement le col. Petite déception : en haut, on voit poindre au sud Engaly, une station de ski balafrant la montagne. Bon, c'est aussi la promesse d'une boisson fraîche. La descente n'est pas désagréable. J'y vais en azimut brut, en tout droit quoi. Je vois les premières marmottes de la journée ainsi que de gros rapaces qui décollent de leurs nids à flanc de montagne. Je débouche sur la cabane qui fait office de premier objectif de la journée, il n'est pas midi. Je continue vers Engaly en essayant inutilement de prendre un chemin qui n'existe pas. En marge d'un sentier touristique que j'aurai mieux fais de suivre plutôt que de prendre d'inutiles risques en voulant gagner un quart d'heure (que je vais perdre au final), je tombe sur des rochers et me rattrape : je tiens en équilibre à gauche avec la main gauche, à droite avec la main droite, et au milieu... avec mon dentier. Je manque de laisser une de mes dent, celle qui a pris la liberté de se foutre devant les autres. Avec le choc, elle manque de prendre la place qui devrait être la sienne. Ça me sert de leçon, je retrouve une sorte de vrai chemin et arrive à Engaly. Il y a des télésièges, certains sont nouveaux et ne figurent pas sur ma carte. Du coup, alors que je m'achète des sodas à une terrasse, je ne sais plus par où passe mon chemin. Je redécolle et prends de nouveau la montagne en azimut brut et gravit un second col. J'en bave un peu, mais je monte soft. Il n'y a pas de chemin, je passe sur un pierrier puisque ce genre de terrain m'est favorable (peu de personnes aiment les pratiquer : il suffit de les prendre comme des escaliers) c'est rude, mais je suis là pour ça. Pas d'orages à l'horizon, j'y vais tranquillement. Ça finit par passer, mais si j'arrive pile-poil sur le chemin, celui-ci se trouve en haut de pistes de ski. Ça gache la vue mais je prends le temps d'admirer le port du rat qui fait office de frontière vers la france et laisse découvrir une bonne partie des Pyrénées Ariégeoises. Des chevaux essaient de trouver de l'ombre sous les infrastructures. Ça fait très western. J'ai la bouche sèche, vraiment, et je n'ai plus de flotte. Il fait chaud, et bien entendu les infrastructures de sport d'hiver, vides, n'ont même pas de robinet. Je tombe par hasard sur une source avant de grimper le dernier col de la journée. L'eau est très froide, mais la roche lui donne un aspect un peu bizarre. Il ne faut pas racler le fond du ruisseau quoi... Je la bois, et découvre que je n'avais pas seulement la bouche sèche, j'avais vraiment très-très soif. À force de rouler en vélo sous la canicule, on s'habitue. Ce à quoi je m'habitue moins, c'est mon bide qui a l'air de ne pas supporter la fraîcheur de la flotte. À moins que... je n'y pense pas et redémarre. Le col est raide mais je le grimpe en 30 minutes sans difficultés. En haut, je croise quatre autres français, des jeunes. Quand j'arrive au col, je les entends parler et les salue en Français directement « t'y arrive, gros ! » me fait celui de leur groupe qui semble avoir organisé la rando. Les types se moquent gentiment de moi, un instant je crois même que pour me chambrer il vont faire une Ola à mon passage. On discute quelques minutes. Ils me rappellent les quatre papis d'avant-hier, mais deux ou trois générations plus jeunes. Ça vanne sec. On échange des infos. « gaffe, la descente que tu vas faire, là, c'est du roulement à bille. On en a chié, la vache, j'ai cru qu'on ne s'en sortirait pas ! » Au final, cette descente sera une des plus simples, pour moi, de toute la rando. Mais les impressions ne sont pas les mêmes pour tous, on a tous nos terrains de prédilections. « là flotte en bas est un peu bizarre, je leur dis, mais elle est potable » « nous on fait gaffe, même si bon, au pire, tu chopes rien d'autres que la cagade... » « Tu parles, fait un autre, ça fait quatre jours que tu bois l'eau du lac » « ouai, et ben je suis constipé figures-toi » « bah qu'est-ce que tu lui parles de chiasse alors ? »

Je finis par les quitter et descend à un lac. Il y a un couple avec des clebs qui me suivent un peu malgré les appels de leurs maîtres. Encore un très beau fond de vallée, des chemins magnifiques circulant entre les oscillations du terrain. J'arrive enfin à mon objectif du jour, la cabane de l'Angonela. Je suis accueillis par une bonne demie-douzaine de marmotte qui logent le pierrier au-dessus de la cabane. Elles sont à cinq ou six mètres pour certaines. On peut les voire, avec leurs têtes d'art moderne toute grise, se confondant au décor fait de pierres pointues colorées de dégradés de gris.

Une espagnole est déjà dans la cabane. On ne parle qu'en espagnole cette fois, mais au moins elle ne me fait pas chier avec le catalan. Je m'excuse de ma faible maîtrise de sa langue, elle s'excuse de ne pas en parler d'autre. Bon, de nouveau, on échange des infos sur les parcours. Elle veut finir sa rando à l'hospitalet et pense passer par l'étang Couard. « Le Couard ? C'est je crois le choix le plus intéressant ». ça l'a rassure. Les Catalans l'autre jour hésitaient et je leur avait déjà conseillé de s'y rendre, même si dans leur sens il y a un petit piège à éviter.

Ça fait quatorze jours qu'elle marche, parfois une ou deux heures par jours pas plus. Elle aussi est étonnée : « les cabanes sont vraiment pleines » dit-elle. Je lui répond que côté Français, vers le Carlit, il y a peu, ça ressemblait à un camping à ciel ouvert – toutes proportions gardées bien entendu. Le soir d'avant, elle a dormi dans une cabane, lorsqu'elle est arrivée, il ne restaient plus qu'une place. Il y avait un groupe de français dans le lot, rajoute-t-elle. « Oui, je les ai croisé tout à l'heure, sur le col. Ils avaient l'air d'être vraiment sympa ! » Elle fait la moue. « Oui... oui, ils étaient sympas. Mais bon, ils se sont... couchés tard, quoi ». Bref, ils ont fait la teuf. Je ne sais pas pourquoi, mais en voyant les loustics, je l'aurait deviné.

La fille a un aspect étrange. Ce n'est pas sa maigreur, ce sont ses yeux. Ils sont profonds, très noirs, en la regardant, on ne voit qu'eux. Je zyeute le carnet coloré avec lequel elle sort prendre quelques notes et ses bouquins. Je me demande ce qu'elle fout toute seule ici, pourquoi elle a quitté comme ça pendant quatorze jour sa ville de Saragosse. Pas impossible qu'elle soit dépressive. Je lave mes fringues et mange. Elle me propose un peu de sa soupe. Je lui raconte Ilya, lui m'avait forcé à goutter le sienne après que je lui ai expliqué que ma bouffe était pratique, mais pas très calorifique. J'ai un peu honte d'avoir à taper dans les provisions des autres ou, plutôt, qu'ils se sentent obligés de me faire partager les leurs alors qu'en vrai, je ne crève pas la dalle.

Je détache mes vêtements du fil sur lequel je les ai mis à sécher au dehors et bois une tisane en regardant un coucher de soleil là encore magnifique. L'endroit est super, encore une fois. De nouveau, quelques instants inoubliables.

 

Jour 4 Cabane de l'Angonella – cabane de Montmantell par Arinsal. 6H00. Temps beau et chaud puis doux et nuageux. Env. 800/900M de dénivelé

Café puis rangement des affaires dehors pour faire le moins de bruit dans la cabane pendant que la camarade essaie avec des difficultés manifestes de se réveiller. On se dit au revoir et bonne route puis je grimpe le premier col de cette journée qui sera assez courte quoique intense. Je suis interrompu à mi-pente par l'envie d'aller aux feuillets. Là, c'est presque sûr, c'est la flotte d'hier qui me fout les boyaux en l'air, mais c'est trois fois rien. Je continue, passe le col, suit une crête plutôt jolie (belle vue des chaînes environnantes) avant de descendre sur Arinsal. J'y arrive alors qu'il n'est même pas 10h00. Je descend la rue principale, prends un café à côté d'un groupe de jeunes français. Ils sont déjà à la bière. « on doit rentrer à Nantes » me dit l'un d'eux avec une grimace. Visiblement, leurs vacances en Andorre se sont tellement bien passées qu'ils n'ont pas envie de rentrer. Du coup, ils commandent une seconde binouse. « ça rendra la route meilleurs » que je leur dis, et on commence à raconter des conneries. Bref, nouvelle démonstration que les français hors parisiens paraissent les plus couillons dans la montagne. Putain, ils sont drôles les cons. On rigole un coup, puis je les quitte pour faire deux courses inutiles, mais j'avais envie de bière ce soir, ainsi que quelques fruits et légumes. J'entame la montée vers la cabane de Montmatell. Des orages étant prévus et puisqu'il y a du monde dans les cabanes, je charbonne. Ça grimpe sec, et je donne à fond. Je commence à en avoir ras le fion des clebs espagnols. Ce matin, une jument et son poulain ont été chassés par un type qui montait avec son putain de clebs non attaché. Merde, il y a marqué partout qu'il faut tenir les chiens en laisse. Et pas d'excuses, c'est marqué en Catalan aussi. Puisqu'ils nous font chier avec leur sous langue, au moins, qu'ils la lise ! Le poulain, avec des yeux apeurés s'était réfugié contre moi, presque à me toucher. C'était touchant en effet.

Bon, j'arrive à une première cabane. Près d'elle un pierrier sur lequel des marmottes peu craintives se laissent approcher à trois mètres seulement. Je continue la monté pour me rendre à la cabane de Montmantell, avec l'impression que le temps joue contre moi. Je ne voudrai pas coucher dehors sous l'orage, ça gâcherait la journée. J'arrive finalement à la cabane après avoir traversé une zone bien sauvage. C'est beau, certes, mais en plus on se sent bien seul au monde dans ce cul de sac coincé entre des crêtes que j'ai longé dans l'autre sens ce matin. J'arrive assez tôt à la cabane. 2500M d'altitude, reccord battu – de seulement 12 mètres, mais record battu pour mon pionçage en cabane de montagne. La cabane est peu confortable, mais j'aime. C'est un refuge tout métallique (j'essaie de ne pas penser qu'elle pourrait très bien faire office de paratonnerre dans quelques heures). Je m'installe, fais une sieste, puis assis sur une barre rocheuse je contemple la fin de journée nuageuse. Après peu de temps, le pronostic paraît à peu près certain : il n'y aura pas d'orage, et personne dans la cabane. Ça valait le coup de se faire chier à se dépêcher tiens... Un type passe en bas avec ses deux clebs. Il s'arrête à une fontaine que je n'avais pas vu (je n'avais encore une fois presque plus de flotte). Je vais aux feuillés : là encore le pronostic paraît à peu près certain, c'est de pire en pire. Le site est magnifique, surtout perché sur cette barre rocheuse, une sorte de banc naturel duquel on peut en contre-bas regarder des marmottes qui se battent. Qui se battent ? Ah non... bon, c'est la nature. J'avais déjà vu des marmottes se faire des câlins (c'est meuuuugnonnnn, c'était à la cabane des esparvers près du refuge d'el illa, une des dernières étapes de cette route) mais là, ça nique en groupe. Ce soir, c'est partouze de marmottes.

Je regarde les chaînes qui apparaissent. Je peux être à St Julia demain. J'essaie de deviner par où passe le chemin. Ça va être costaud. Je transforme la vue des montagnes en analyse prospective sur la carte et inversement. Je prends le guide de la route et les infos que j'ai collecté et je calcule. Faisable, pas faisable ? On va tenter, mais je vais finir KO si j'y arrive. Toutefois, avec une certaine dose de prétention, je me dis que ce sera faisable. De toute façon, il y a une ou deux solutions en cas de pépins, donc on verra. Mais je passe une bonne heure à réfléchir néanmoins, tout en profitant du paysage. Seule une ou deux pistes au loin, sur ma route de demain, défigurent le paysage.

La nuit est belle, elle se passe dans un calme d'une douceur extrême (un calme doux, ça existe, si vous ne le croyez pas, RDV ici). La cabane fait un peu penser à celle de films d'horreur et je m'invente des histoires de fantômes gentils pour m'endormir tranquillement. Je suis juste réveillé par la soif. Je finis ma bouteille de flotte et me rendort presque content de pouvoir tomber une seconde fois dans les bras de Morphée si loin de tout, à commencer du bruit.

On dort rarement aussi bien je crois.

 

Jour 5 Cabane de Montmantell à... ?

Vais-je rejoindre St-Julià ou pas ?

En tout cas, je m'en vais pour. Je descend de la barre rocheuse sur laquelle j'ai dormis, quitte la cabane sans faire le plein d'eau – le sac doit déjà peser 4 ou 5 kg de moins qu'au départ si je ne prends pas d'eau et compte ce que j'ai déjà mangé/utilisé. Chaque jour, c'est 350 à 420 grammes de moins. Il faut calculer les jours où l'on fait le plein de provision.

Je passe devant une première cabane manque de bol n°1, il n'y a pas d'eau. Manque de bol n°2 : il a beau être à peine plus de 7h, le chien d'un des randonneurs me gueule dessus. Je montre que je n'aime pas ça et juste au moment où je vais gueuler aussi le type rappelle son clebs. 'faut pas s'inquiéter, il est gentil'. Il a surtout l'air con. Et pourquoi il ne jacte pas les autres randonneurs, juste sur moi ? Si les gens se baladaient avec leurs chats, ça serait quand même mieux.

Bon, je continue la descente, loupe une première fois le bon chemin en faisant un détour puis une montée inutile, retrouve le chemin après être passé devant l'aire où j'ai déjeuné hier (et cette fois il y a de l'eau!). Je grimpe et peine à dépasser un couple. Non qu'ils ne grimpent vite même si leurs sacs sont plus légers que moi mais... ils ne s'écartent pas et surtout, ne retiennent pas leur clebs. Cette fois je lâche un 'putain !' en français 'il ne faut pas s'inquiéter, elle est gentille' que me dit le type. Bah c'est toi qu'est con, je pense, mais je ne le dis pas. On ne sait jamais, faut pas être bilingue pour comprendre. Bon, je grimpe plus vite, je fais une pause lorsque le couple me rattrape. Le clebs vient de nouveau jacter bordel, je plie en vitesse et me casse. Du coup j'oublie mes lunettes que le couple me rapporte – en retenant ce toujours con de chien qui ne pense qu'à m'aboyer dessus. Je suis au pieds de la comapedra, le plus haut sommet d'Andorre je crois, d'une taille approximativement équivalente à celle du Carlit. La montée était déjà belle lorsque j'arrive dans des ondulations de terrain qui font ressembler à la montée vers le siscar mais en plus grand, en plus majestueux, en plus impressionnant – et pour l'occasion, en moins chaud aussi, puisque le soleil tend de plus en plus à être caché par les nuages. Je m'arrête au refuge de la Comapedrossa, il est aux environs de 10h00 – de mémoire. Je commande deux Aquarius, deux boissons qu'on ne trouve pas en france, les cannettes sont fraîches. J'entends dans la jasse en bas les marmottes hurler à mort. L'autre con de chien qui part en chasse, et ses cons de maîtres qui ne le retiennent pas. Pourtant c'est écrit en catalan, 'tenir son chien en laisse'. Je me repose un peu et redécolle, il y a une odeur de conno dans l'air et en plus il se met à flotter. Ça rafraîchi ce temps, c'est agréable. Je monte vers une crête et croise un type avec un mule. On discute un chouïa. La mule transporte 90 kilos me dit-il en français, il va ravitailler le refuge (il le fait deux fois par jours). La bête peut transporter jusqu'à 110/120 kilos et je pense à l'AS qui me fait chier au travail qui ne pourrait pas monter dessus du coup, vu qu'elle pèse 130Kg (non, en vrai je n'y pense qu'au moment d'écrire ce texte). En se coupant un morceau de fesse, comme dans Candide, elle pourrait tout de même monter. En tout cas, ça a l'air d'être un sport de guider une mule, j'encourage le type et reprends la route. La crête sur laquelle je suis fait office de frontière avec l'Espagne. Le point de vue est très beau. Je m'arrête quelques minutes et reprends. Je perds le chemin et m'enfonce un peu en espagne mais je ne suis pas inquiet. 30 min plus tard je retrouve les balise, sur une autre crête. Je regarde... et je me rend compte que je n'ai pas loupé grand chose. J'ai bien fais, même si ce n'était pas fait exprès, de ne pas suivre les balises ; une nouvelle station de ski défigurait les pâturage, je pouvais me passer de ça. Je descend tranquillement vers un col à côté duquel je grignote un peu avant de continuer. Une montagne à l'apparence sombre barre la vue de la descente vers St Julia. Je suis à la moitié du chemin, je n'ai pas trop laissé de plumes physiquement, mais je sent que ça va être long. Je regarde ma carte : du refuge de Comapedrosa à St-Julia il y avait 9h15 de prévu par le guide. Plus de cinq heures de marche aujourd'hui, il m'en reste encore théoriquement six. J'ai mal aux jambes rien qu'à y penser. Pas la peine de traîner, d'autant plus que je n'ai quasiment plus de flotte. Plutôt que de se laisser happer par l'idée d'un défi qui paraît de plus en plus insurmontable, je reprend la route et ce n'est pas bien grave d'avoir la tête ailleurs : j'arrive sur les flancs de montagne sur lesquels hier je voyais les balafres faites par les pistes de ski. En fait, ce sont, l'été, des pistes de VTT en descente (mais pourquoi les Vététistes aiment tant la descente ? Je préfère largement la montée...) Dommage qu'il soit interdit de sortir des chemins et des pistes, protection de la faune et de la flore oblige. Ça valait le coup de couper le tout par de larges chemins... ceci-dit, ces chemins jouent aussi le rôle de coupe feu qui étaient autrefois dévolues aux zones de pâturage. Je trace. Une fois extrait de la zone VTTouristique, je passe, en une forêt tranquille, devant ce qui aurait dû être une source salvatrice. Elle est à sec. J'ai soif. L'orage va poindre. J'arrive à un col où je m'attendais à trouver de l'eau mais là encore, il n'y a rien. La forêt ici est un peu plus sauvage, je ne perçoit pas la cabane pourtant indiquée sur les cartes des refuges d'Andorre (mais pas sur la mienne). Merde, la route est encore longue, il commence à flotter (ça ne m'arrête pas), je commence à être fatigué, j'ai soif mais pour l'instant ça passe largement. Ça tonne, ça y est, et pas loin. Je me retourne : je suis couillon quand même : il y a dans les bois des chaînes en fer, ce doit être là qu'est la cabane. Je vais voir. Elle n'est pas terrible, une sorte de grande bicoque de bois avec un poêle, des lits faits d'un mauvais bois un peu trop vieux. Je pose mes affaires pendant que la pluie tombe de plus en plus drue. Je regarde la carte comme si ça pouvait faire diminuer les distances mais non. J'estime mon temps d'arrivée : je serai à San Julia au mieux à 20h00 à ce rythme, et j'ai encore un col à faire. Il ne devrait pas y avoir d'eau avant le petit bled d'Aixvall à quelques heures. Autant ne pas traîner, je plie ma carte, je vais regarder le temps dehors : pas la peine de continuer. Cette fois ça tonne pile poil au-dessus. À l'oreille j'entends que ça grêle, juste au moment où je rentre d'un tour d'observation. Je repense à Jon qui me disait que je portais chance en ce qui concerne la flotte. Je lui ai appris l'expression « avoir le cul bordé de nouilles ». C'est intraduisible en Anglais et encore plus en mandarin. Juste au moment où je trouve cette cabane que je n'avais de premier abord pas vu, ça se dégrade totalement. Il s'en est fallu de peu. Je ressors mes affaires, déplie mon sac de couchage et m'allonge. Ça ne sert à rien de penser aller plus loin aujourd'hui : San Julia, ce sera demain.

Je me réveille deux heures plus tard, une couche de deux à trois centimètres de grêlons dont certains sont gros comme des billes recouvre le sol. J'en recueille à pleine gamelle, les fait fondre puis prends bien le temps de cleaner la flotte. C'est long et fastidieux, mais je n'ai rien d'autre de prévu ce soir. La température a baissé, j'ai deux pulls sous mon manteaux, et encore je suis à l'intérieur. Je peux enfin me faire un thé. Là où j'ai mal géré, c'est que je n'ai pas rentré de bois avant la pluie. Il y a bien une petite réserve sous un couvert, au coin d'un barbecue de briques, mais il n'y a guère de petit bois. Je tente de lancer un feu, c'est pas simple. Au moment où il part, je me rends compte que c'est une erreur : pourquoi lancer un feu dehors alors qu'il y a un poêle dedans ? Quel con...

Je transporte le peu de flamme et de cendres que j'ai pu obtenir et tente de lancer un nouveau feu dans le poêle. Merde, juste au moment où ça partait dans le barbeuc... Je peine mais j'y arrive (sans petit bois, c'est du sport). En 15 minutes, la température est déjà montée d'un degré dans la cabane, et ça ne fait que commencer. Je rentre du bois humide que je pose sur le poêle. En quelques heures il aura séché et descendra d'un étage pour nourrir la flambée.

Il a cessé de pleuvoir et de tonner. Je vais à la recherche d'une source, j'en trouve une en espagne, mais il faut se taper le dénivelé. Je souffle, rentre, me fait à manger, et ne tarde pas à me recoucher. J'ai vraiment le cul bordé de nouille : si j'avais continué, j'en aurai pris plein la figure.

 

Bilan de la journée : 7h30 de marche, env. 1200 m de dénivelé temps : chaud puis doux avant pluie et orage.

 

 

 

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