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Du médico-social, certes, mais sans 'social'

Publié le par Scapildalou

Le secteur médico-social est une sorte de punching ball, au même titre que l'éducation nationale, dans lequel tapent les politiques, avec des motivations dont certaines, sous-jacentes, se laissent deviner avec peine. On craint ainsi par exemple, que ces deux institutions ne soient la cible des politiques juste parce que, de par leur vocation sociale, s'y côtoient justement des professionnels de gauche que les gouvernements de droite voudraient réduire au silence. C'est dur à croire, mais il faut s'y résoudre : c'est une des motivations non contesté des politiques en mal de réformes du système social.

Les réformes de 2002 et 2005, ainsi que les réformes suivantes, celles de 2007 et 2013 par exemple, ont fermé la logique du social de ce secteur, l'ont réduite à peau de chagrin. Il ne s'agit pas d'une volonté d'aider des personnes à s'insérer dans la société alors que celle-ci leur ferme les portes, mais bien d'une volonté de nier les problématiques sociales à l'oeuvre dans le phénomène d'exclusion.

Détaillons

 

1-le social par le handicap

Les réformes évoquées tendent à s'inscrire dans une médicalisation de la question sociale (un peu à la façon dont Heremberg évoque la question de la diffusion des antidépresseurs dans la société pour traiter les phénomènes de dépression). A la base : la question du handicap. Le handicap, quoiqu'on en dise, est traité comme un déficit, un manque, une tare qui éloigne des personnes de la société, les en exclu. Certes, des logiques discriminatoires sont évoquées, avec peine, mais sans plus.

Je m'imagine parfois passer une journée dans un fauteuil roulant, et je me dis que ce doit être impossible. Rien que les trottoirs de ma rue feraient d'aller chercher le pain un parcours du combattant. De ce fait, être handicapé devient le problème.

Ce constat nie totalement le rôle de la société. Il n'y a de handicap seulement là où la société refuse l'intégration. Le handicap est créé parce que la société refuse de se donner les moyens de se rendre accessible à tous. Elle refuse de se rendre accessible aux non-voyants, aux mal-entendants, aux personnes à mobilité réduite, aux personnes ayant des difficultés de par leur construction psychique à saisir les sens et implicites des injonctions sociales. L'handicapé, c'est la personne rejeté par la société. Or les personnes rejetés par la société sont traités de deux façons : 1-une ghettoïsation 2-un traitement médical.

Par exemple, l'essentiel des détenus des prisons en france souffrent de troubles psychiques. La Lozère, département reculé, est aussi celui qui a le plus grand nombre de personnes classées handicapés. En bref, la différence est rejeté.

Il ne s'agit pas d'une question de santé publique, mais du traitement de la question sociale. Que faire des personnes qui ne peuvent participer à l'intégration à la société par la participation au travail. Au XVème siècle comme au XIXème siècle comme aujourd'hui, une personne qui ne peut participer au travail tel qu'il est pensé par le détenteur des moyens de production est une personne inutile, un fainéant.

En somme, l'handicapé est le fainéant qu'il faut mettre au travail. C'est ce que l'on nomme aujourd'hui la logique d'inclusion. Les personnes classées « handicapées » sont ainsi victimes 1-d'une exclusion en bon et due forme et 2-d'une violence par l'intégration forcé à un système qui s'évertue à les rejeter.

 

2-l'inclusion et la désinstitutionalisation

Il serait faux de croire que le système, le travail et l'école pourraient être accessible à tous. Tout système contient son lot de contrainte, son langage, son mode de signification qui exclue des catégories de personnes qui ne pourront jamais s'y intégrer. Autre chose, le système aujourd'hui, l'école et le monde du travail sont tellement pathogènes que ne pouvoir s'y intégrer, ce n'est pas, de mon point de vue, une mauvaise chose, bien au contraire. Chaque système contient son mode de domination et ne pouvoir s'y plier, quand il est aussi fou que ceux des institutions cité, c'est plutôt un signe de bonne santé. Voir les handicapés et les malades comme des gens en bonne santé, on ne s'y serait pas attendu, mais d'un côté, ça se défend.

Les gouvernements n'ont pas attendu le rapport de l'ONU pour entrer dans une logique de désinstitutionalisation. Le but ? Fermer les organismes accueillant les personnes exclues, ou au moins en réduire les effectifs, et donc les coûts. Où vont les personnes alors ? Dans les écoles classique, dans les ESAT pour travailler.

Pour être intégré dans un établissement médico-social, il faut passer par la case MDPH, c'est-à-dire être classé handicapé. Ainsi, des gamins de six ou sept ans issus de familles et d'un environnement social incapable de leur fournir de l'attention et de l'affection, de leur procurer un environnement sain dans lequel il peuvent entrer dans la vie et s'émanciper, sont classés handicapés. Le social est handicapant, mais c'est la personne qui est classée handicapée.

Désormais, les institutions qui étaient chargées de recoller les bouts de vie des enfants et adultes exclus souvent dès le début de leur vie, du monde social, vont fermer et voir quitter les publics qu'ils avaient appris (parfois plus ou moins bien – et de façon plus ou moins défendable aussi) à accueillir sur des modes émancipateur (en principe) vers l'éducation nationale et le monde du travail classique. Les deux sont en pleine crise (l'école surtout) et en voie de désintégration totale. Et on leur demande d'intégrer des publics que la société s'est préalablement fatigué à exclure et à maltraiter. On croirait cauchemarder.

 

3-la maladie

Au final, des gosses ou des adultes (mais en principe le classement en terme de personne handicapée se fait dès l'enfance) sont étiquetés dès le plus jeune âge « handicapées » par une société qui les refuse. La différence est traité sous l'angle médical, et jamais sous l'angle du regard catégorisateur qui fait d'eux des handicapés. On donne donc à la différence un traitement qui est celui de la maladie. On gave des gamins de médicaments, on adapte des postes de travail pour forcer des gens à travailler en faisant croire que c'est le travail qui s'adapte à l'homme et non l'inverse.

La psychiatrisation et la médicalisation – quand bien même ils s'avèrent nécessaires – deviennent une fin en soin, un mode d'intégration. Il sont la camisole chimique et ergonomique pour faire tenir dans la société et in fine, pour faire tenir la société. « rentre dans le moule, sinon ça veut dire que tu es handicapé ! » A partir de là, on comprend mieux pourquoi le handicape est rejeté ; s'il est perçu comme une peine, une condamnation, alors on fuira le condamné, on le stigmatisera d'autant plus.

Un cercle vicieux dont on n'est pas prêt de sortir.

 

 

 

 

 

 

 

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