Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Lettre ouverte (et d'affection) à M.Daniel Pennac

Publié le par Scapildalou

Cher M.Pennac,

Veuillez excuser ma plume la plus laide car la plus numérique (ceci dit, plus simple aussi a déchiffrer que ma plume à bille et plus facile à partager sur un blog) ; néanmoins je souhaite m'en saisir pour vous exprimer cher monsieur, toute mon affection – ce qui n'est pas exactement le thème de ce blog, mais il ne manquerait plus que je m'astreigne à une écriture.

Cher monsieur, je commencerai pour vous dire que ce blog vous doit beaucoup de choses, pour ne pas dire l'essentiel. Oh, je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est le fruit de vos entrailles, même si l'on ne choisit pas sa famille, et parce que je ne voudrais pas que vous ayez à répondre des opinions exprimées sur ce blog, qui ne sont certainement pas les vôtres. Mais nous partageons des points en commun, j'y reviendrai plus tard.

Ce que ce blog doit à vos textes, ce qui est issu de vos lettres dans les miennes, dans les présentes lettres, dans les présentes lignes, est plus complexe. Sachez cher monsieur que vous m'avez appris la lecture, rien de moins. Vous m'avez appris à Lire – notez les grand 'L' à 'Lire'. Dans votre ouvrage « comme un roman », vous dites en sommes que lire, c'est aussi feuilleter, c'est être capable de ne pas finir un livre, savoir ne pas le commencer, le prendre en cour, ou l'abandonner. Attention, je m'insurge contre la consommation de lecture créée par la diffusion de textes sur internet accessibles depuis une liseuse numérique.

La reproductibilité technique, décrite par Walter Benjamin notamment, bien entendu influence la création d’œuvres. Mais la forme influence le fond, ce sont les deux aspects d'un même problème, et je suis très attaché au contenu de ma bibliothèque, du moins ce qu'il en reste, de ce qui ne m'a pas été fauché pour finir dans d'autres bibliothèques (d'autant plus que je puise une partie de mes ouvrages dans celles des autres, dans ce cas, ça ne sert vraiment à rien que je m'efforce de faire oublier aux autres que j'ai leurs bouquins, pour que des personnes me les reprennent après...)

Quoiqu'il en soit, vous ne défendiez alors pas la consommation de l’œuvre, mais la singularité du lecteur, et l'absence de contraintes que vous conseilliez de ressentir quant à l'ouvrage. C'est ce que je nomme 'savoir Lire' avec un grand 'L', que je différencie de 'lire' avec un petit 'l', décrivant dans ce dernier cas la pratique de la lecture en général.

Non, Lire, avec un grand 'L', c'est savoir entrer dans un œuvre par le bout que l'on choisi, savoir sauter des pages, y revenir, ne pas finir, prendre ce qui nous intéresse, en tirer le meilleurs, c'est-à-dire aller et valoriser ce qu'en tant que lecteur, nous trouvons beau ou bien dans chaque livre, dans chaque œuvre.

C'est grâce à ces lignes, les vôtres, que j'ai appris qu'il n'y avait aucune culpabilité à ne pas finir un ouvrage, à piocher, picorer, etc. Et c'est grâce à vous par conséquent, que j'ai pu comparer, piocher, m'approprier des parcelles de connaissance, de ci de là ; j'ai découvert l'importance des notes des traducteurs, des préfaces, des introductions sur le tard, en piochant. Je n'aurai jamais autant appris, si je n'avais lu une partie de vôtre ouvrage « comme un roman ». C'est en ça que ce blog vous doit tout.

Si je vous fait cette concession, M.Pennac, c'est que je vous ai entendu il y a deux jours, défendre les activités du navire Aquarius à la radio. Si j'avais entendu des choses intelligentes sur la défense des associations d'aide aux migrants en méditerranée, je doit dire que votre intervention monte largement sur le podium très subjectif des interventions les plus pertinentes. Les plus humaines aussi. J'ai été touché, très sincèrement, cher Monsieur, par votre intervention. C'est alors que je me suis rappelé ce que ce blog devait à votre pertinence. Notez, car je suis pessimiste, que si les beaucoup étaient moins cons, vous auriez l'air moins pertinent, mais là n'est pas la question. La question se trouve ici, il me semble, c'est du moins le point de vue que je défend dans ce blog, dans l'accueil inconditionnel que doit réserver notre société à ceux venus d'ailleurs, pour quelques raisons que ce soit. J'ai entendu hier des journalistes et spécialistes se gausser sur le fait que la France était le premier pays d'accueil... des touristes (sans entrer dans les détails d'ailleurs, car le nombre de nuitées comparé à l'espagne, aux USA, au maroc, etc est très faible en france – ce chiffre tient surtout au hub de Roissy qui accueil des voyageurs en transit, restant une nuit, entre deux avions. Comme accueil touristique, on a vu mieux...)

Oui, je crois en l'accueil ; je crois au partage, et je pense que l'apport social de l'accueil est un investissement en l'avenir – non pas un investissement financier (quoique cela puisse se traduire en ces termes) mais un investissement social. Lorsqu'on partage, on créé de l'éthique : le partage c'est la création de l'éthique, c'est montrer à l'autre que sa place est valable, c'est l'inviter aussi à accueillir par la suite. Et l'accueil n'est pas seulement le ait de laisser des lits à des familles, c'est aussi laisser de la place à la parole, en tant qu'elle demeure la vie de l'éthique, et non sa mise à mal (je pense à certains « polémistes »).

Je crois que l’œuvre, le livre, fait aussi office de partage ; l'écrivain propose des pages, son effort, à un lecteur qui peut se l'approprier comme bon lui semble, faire sienne les pensées, les émotions, comme il l'entend.

Je ne sais, monsieur Pennac, si vous lirez ces lignes, et le cas échéant, si vous les terminerez.

Mais il y a deux jours, en entendant votre intervention sur Inter, j'ai été touché.

Et je voulais vous dire, par la présente, ce qui de mes avancées tient à votre travail, à vous.

Bien à Vous

 

 

Commenter cet article