"j'ai quand même de petites raisons d'espérer que les mauvais jours finiront"

C'est la première fois sur ce blog que je vais proposer un papier qui n'est pas de moi. J'en suis content. C'est une réponse d'une pote à l'article "il ne faut pas dire confinement masi Daech". Cette réponse par mail apporte carrément à la lecture de l'article en question, je la donne donc en entier. Elle est claire, consise, bien écrite et mordante, ça vaut le coup d'être partagé. Que la personne m'excuse de la diffuser, mais elle n'avait qu'à écrire de la merde. Ce n'est pas le cas... Quoiqu'il en soit, merci !

[bien entendu, tous les noms sont anonymisés]

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur la fascisation de la société et l'analogie avec Daech. Au début je me suis dit "il y va fort" mais très vite je me suis rendu compte que tu avais entièrement raison : pas de culture, pas de vie sociale, aucun lieu pour pouvoir échanger ; un discours unique qu'on attend tous les soirs à 20h, comme des paroles de prophète.

Personnellement je m’accommode extrêmement bien de ce confinement, grâce à une multitudes de circonstances qui m'y aident : ma personnalité extrêmement casanière (même sans confinement, il m'est déjà arrivé de ne pas quitter ma maison pendant plus d'une semaine, au moins) + mon gout de la lecture et la tonne de bouquins que j'ai récupérée + une grande maison (qui me permet de voir mon père mais de pas être constamment avec lui) + un grand jardin + une connexion internet et portable + (et surtout) un employeur qui me paye comme d'habitude alors que je dois faire 1% du taf que j'abats en circonstances de non confinement. Je dois même en oublier...

Mais cela ne veut pas dire que je ne frissonne pas de voir ce qui se passe (et ce qui ne se passe pas) dehors. L'état a mis en place un système d'"urgence sanitaire" digne des pires scénarii de science fiction : une société qui est arrivée à bout et qui n'a plus rien d'une société, puisque le lien social physique (qui ne peut être remplacé sans qu'on y perde gros par un lien virtuel) n'existe plus, que chacun vit dans une sorte de bulle, loin de l'autre. Tout ça magistralement servi par une police qui visiblement n'a de cesse de montrer sa stupidité et son incompétence à gérer ce genre de situation. Ils jouent les cow-boys, les redresseurs des tords, parlent aux gens comme à des chiens (bref : n'ont pas changé leurs habitudes) alors qu'on pourrait imaginer (même en période de confinement totalitaire décrété par un état incompétent) une police de proximité qui assure un minimum de lien social, puisque c'est les seuls à pouvoir parader dans la rue et à pouvoir théoriquement créer du lien, aider les gens. Je ne parle même pas des hélicos et des drones nasillards (eux aussi sortis tout droit de SF).

Je suis bien d'accord sur cette histoire de responsabilisation des individus qui ne sert qu'à culpabiliser les gens, les faire "obéir" et surtout à cacher le fait que si on en est là ce n'est pas à cause du covid-19, c'est à cause des différents gouvernements successifs, en France et ailleurs. Tu as raison "A quoi sert l'état ?" si on ne fait que compter sur la responsabilité de chacun pour "protéger les services hospitaliers". Sans déconner ! C'est le monde à l'envers !!! C'est l’hôpital qui protège les gens, c'est pas censé être l'inverse. Alors bien sûr, les gens ont toujours dû "protéger l’hôpital" et l'ont fait : mais pas d'une maladie !!! De la casse incessante organisée depuis des décennies ! Les gens qui y travaillent ont toujours protégé l’hôpital. Maintenant on nous dit que c'est à chacun de le faire, en restant chez soi. Non mais fallait y penser avant, les mecs ! Le seul moyen de protéger l’hôpital, c'est de lui donner des moyens ! Pas sortir pour le protéger c'est comme dire : je prends pas le train pour pas abîmer les rails, je vais à Tarbes à pieds, du coup plutôt. L’hôpital devrait pouvoir faire face à ce qui arrive : c'est un peu sa raison d'être, d'encaisser des coups durs. Alors bien sûr, quand ça fait des années qu'on est gouvernés par des mecs qu'ont un trou dans le cerveau, qui ne pensent qu'à la rentabilité et qui croient qu'on peut faire marcher l’hôpital à flux tendu, bah ça se casse la gueule, l’hôpital ne peux pas mener à bien sa mission et on dit à chacun de rentrer chez soi... Le flux tendu, dans n'importe quel service public, c'est au mieux naïf au pire irresponsable, dans tous les cas absolument intenable. Ça me fait penser à ma mère "J'ai commencé ma carrière dans une maternité, je l'ai finie dans une usine à bébés".

Mais voilà... Je respecte ce confinement 1. parce qu'il ne m'est pas désagréable (pas sûr que je le supporterais si les circonstances étaient différentes) et 2. parce que les conneries enchaînées depuis des décennies + l'incompétence du gouvernement actuel à réagir vite et bien me mettent devant un putain de fait accompli : la France n'a pas les moyens de continuer sa vie normalement sans faire imploser l’hôpital... C'est pour ça que je pense que, s'il n'y a aucune fierté à respecter ce confinement, il n'y a pas non plus de honte à le faire. On se retrouve sous une montagne de merde, qui aurait pu être évitée, mieux gérée c'est sûr, mais le résultat, c'est qu'on en est là. Eh oui, je fait comme G. : "Quand tu sors tu peux faire circuler le virus" (note le "peux", j'ai bien conscience que c'est une possibilité, pas une certitude). Ça devrait pas être un problème en soit, c'est la vie normale : on est toujours en train de se refiler virus et microbes, c'est même censé être bien, normalement. Mais on nous a foutu dans une position qui fait que le pays peut pas gérer cette circulation de miasmes, qui n'a rien d'extraordinaire, juste un peu différente de ce à quoi on est habitués. Le port du masque généralisé serait la solution la moins déplaisante (surtout, ça me ferait beaucoup rire après la grande période "La République se vit à visage découvert") mais même ça, l'Etat n'est pas capable de le mettre en place : y'a pas de masques ! On a tout délocalisé et maintenant on se les fait piquer sur la tarmac par Trump ! Je me retrouve à en coudre chez moi ! C'est ridicule, c'est risible, ça fout la rage tellement c'est con.

D'ailleurs ce covid, là aussi tu as raison : ça fait moins de mort que pas mal d'autres choses (dont la pauvreté). Et c'est vrai qu'on est encore une fois victime d'un gonflement médiatique comme ils en ont le secret. Des gens, il en meurt beaucoup tous les jours. En tant normal on commence pas le JT en disant "Il y a eu xxxx morts en France aujourd'hui", ça plomberait bien l'ambiance. Là on est dans l'attrait du nouveau : les morts de faim en Afrique, ça fait des siècles qu'on en parle, ça fait réchauffé, comme histoire. Et donc on a cette excitation des médias couplée au bordel du gouvernement qui nous fait un confinement qui n'a pas de logique sanitaire (les coups de tes randos, par exemple) car la logique sanitaire est télescopée par la logique économique (faut surtout pas arrêter de créer des richesses pour les foutre dans les poches des actionnaires) et la logique idéologique (vu comment on a fait de la merde, faut surtout pas que les gens puissent se rassembler pour en discuter).

La preuve que la logique économique l'emporte sur la sanitaire : on rouvre les écoles... On avait fermé l'éducation nationale quand on s'est rendu compte que le système de santé supporterait pas qu'il y ait trop de cas (logique sanitaire), mais bon du coup, il y a je sais pas quel pourcentage de la population qui est en disponibilité pour s'occuper des enfants à la maison (pas travail physique possible, un télétravail compliqué et des salaires qui tombent : l'horreur). Donc on rouvre. Une bonne chose pour les gosses, mais complètement aberrant quand on sait que ces gosses sont de véritables nids à merde qui gesticulent partout ! Ma collègue C. m'a fait remarqué : on n'ouvre pas les restos alors que les proprios pourraient mettre en place des mesures de distanciation (moins de tables, pas de service au bar), ça fait un manque à gagner mais les mecs demandent que ça ; mais on va rouvrir les écoles et foutre les gosses à la cantoche. AS a partagé sur fb des revendications de je ne sais plus quel syndicat de profs : que des demandes légitimes pour assurer l'ouverture des classes dans des conditions les moins pires possibles (gel, masques pour tout le monde, tests réguliers pour personnels et élèves, diviser les classes pour respecter l'espace entre élèves...) mais c'est sûr qu'il n'y aura pas une demande à laquelle le gouvernement répondra positivement : ils n'en n'ont pas les moyens ! Par leur faute, encore et toujours, bien sûr !

Enfin et surtout : ta grande question "jusqu'à quand ?". Jusqu'à quand va-t-on vivre comme dans le plus oublié des pays du tiers monde en dictature ? Impossible de le savoir, et j'ai bien peur que ça dure, moi aussi. Mais j'ai quand même de petites raisons d'espérer que les mauvais jours finiront.

D'abord, il y a plein de gens qui sont outrés par ce qui se passe (qui restent chez eux mais qui frissonnent) et qui le disent, comme toi. Des gens de tous horizons (personnels hospitaliers, avocats, auteurs, des qu'on sait pas ce qu'ils font dans la vie) disent haut et fort que les choses sont gérées de manière complètement ubuesque (chacun le dit pour sa branche) et qu'il n'est tout simplement pas possible de continuer comme ça. Cette "crise" qui n'aurait jamais dû entre une si on ne marchait pas sur la tête montre bien aux yeux de tous que le système est complètement à la ramasse et délétère. Le gouvernement est en train de se prendre plein de procès par la gueule, ça va pas changer la donne, mais c'est la preuve qu'ils font nawak et que ça passe pas inaperçu !

Ensuite, aujourd'hui, c'est vrai, beaucoup crachent leur venin sur "les joggeurs irresponsables". Je pense que c'est une réaction de survie, due à la jalousie et à un petit coté "Jésus" que tout le monde se donne. Mais une fois que la colère d'être enfermés sera passée, je pense que les évidences de l’incompétence de nos gouvernant vont ressortir. Pas chez tout le monde, bien sûr, mais chez encore un peu plus de gens. Je pense que le vivier des gilets jaunes va grossir encore un peu. La sortie du confinement, qui ne sera pas une vraie sortie on est d'accord (pas de bars, bordel !!!) va quand même faire bouger les choses, je pense. Manifs interdites certes, mais ils ne pourront pas le tenir très longtemps : une fois la peur du virus estompée (obligé qu'elle s'estompe), les gens vont dire : "On a été "responsables" quand vous nous avez dit que c'était la seule solution, maintenant, la crise est passée, il est hors de question que ça recommence et pour ça, c'est à vous, les dirigeants, de prendre vos responsabilité. Chacun son tour !"

Moi aussi j'ai peur. Et je dis pas que ma théorie des bisounours va se réaliser. Mais y'a un proverbe, anglais je crois, qui dit un truc du genre :"Il n'y a qu'en touchant le fond qu'on peut prendre appui pour remonter". J'ai bien envie de m'y raccrocher !

Faut espérer qu'on soit assez au fond...