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La morale est-elle la meilleure des politiques ? - Proposition de corrigé du bac Philo 2020

Publié le par Scapildalou

[Je précise avant de commencer, que je ne suis pas philosophe, juste psychologue social et que j'ai eu par quelques petites activités de recherche, à me frotter à l'épystémologie, la philo - sinon je risquais de ne pas être pertinent. Du coup le traitement du sujet du Bac ES de philo de l'an passé tel que proposé ci-dessous ne se veut pas être une "bonne réponse" mais une possibilité de réponse. Surtout, il vise à donner au lecteur une piste de réflexion et quelques auteurs auxquels il est possible de faire référence. Ils ne sont pas au programme de philo du bac, du coup au pire ça servira de culture G, au mieux le lecteur ou la lectrice y verrons de quoi nourir une réflexion personnelle]

 

La morale est-elle la meilleur des politiques ?

La réponse à la question « La morale est-elle la meilleure des politiques ? » est bien entendu « non ». En effet, il faut peu d'arguments pour facilement démontrer que non, la morale n'est pas la meilleur des politiques : au moins parce que si c'était le cas, sur un versant pragmatique donc, depuis le temps que les sociétés humaines recherchent la meilleur des politiques, l'on ne saurait encore si la morale est la meilleure des politiques ? Et puis bien entendu, « l'ordre moral », cette expression qui désigne les systèmes autoritaires réactionnaire tend à montrer par l'absurde qu'en effet, si meilleure politique il y a, mieux vaut la chercher hors d'une morale se voulant être la base de toute une vie sociale.

Mais une fois que cela est acquis, se pose une seconde question : une politique quelconque, surtout si elle a la prétention d'être la meilleure, peut-elle se faire sans recours à la morale ? Et de nouveau, la réponse est non. En d'autre terme, la meilleure des politiques ne peut être la morale, mais la pire des politique semblerait à l'inverse être l'absence de morale. C'est dans cette dialectique qu'il va nous falloir axer notre réflexion et pour se faire, dans une première partie, après avoir montré en quoi la définition de la morale s'oppose à une conception de la morale comme meilleure des politique, nous décrirons en quoi la morale doit nécessairement soutenir la politique. Dans une dernière partie, nous verrons en quoi la morale peut être intégrée à la politique pour tendre à en faire une modalité de prise de décision maintenant la paix sociale et l'émancipation collective.

 

1-La morale ne peut être la meilleure des politiques

1-1définition de la morale

La morale peut se définir comme « l'art (le terme d'art nous semble fondamentale comme nous le verrons dans la troisième partie) d'établir ce qui est bien ou mal, bon ou mauvais ; sur le plan de la philosophie pragmatique, on pourrait ajouter que la morale est un ensemble d'assertions socialement acceptées comme définissant dans quelle mesure des faits, actions, dires, ont une valeur contingente acceptable, critique, ou doivent être refusées ».

La morale se différencie de l'Ethique qui tend à être universelle, totalisante, qui peut être moins précisée par le biais d'assertion quand la morale est plus locale, plus pratique en quelques sorte. Par exemple deux faits moraux peuvent s'opposer, et même parfois nous pouvons adhérer à deux morales différentes. Je peux être contre la violence et l'exercer à certain moments si elle me semble légitime. Je peux être contre la prison et en l'Etat dire que la prison est nécessaire dans le cadre actuel de la société. Je peux être contre le vol et le trouver légitime dans certains cas.

Notons aussi que la morale se différencie de la déontologie, qui est en quelque sorte une éthique appliquée à des groupes – professionnels bien souvent, comme c'est le cas des médecins (serment d’Hippocrate), aux notaires, aux psychologues, aux policiers, etc.

 

1-2 La morale ne peut être fixée par un code

Notons, à propos des codes de déontologie, que nous pouvons trouver une première limite à la morale comme meilleure des politiques. Les codes de déontologie ont été fixés pour éviter des glissements professionnels, pour fixer des cadres d'action, pour éviter de nuire à des publics. Question : ces codes de déontologie ont-ils évité que ces glissements continuent de se produire ? Non, bien entendu, non... En d'autres termes, si une morale était fixée de façon intangible comme étant le socle de la meilleure des politique, éviterait-elle des glissements ? On peut en douter. D'ailleurs, nombre de codes, de chartes, de déclarations, à commencer par les textes de Loi existent et devraient être le socle du bien vivre ensemble. Partant, il semble que ce n'est pas le cas, que leur respect n'est jamais assuré. Donc aucune morale, si elle était fixée, ne serait de toute façon respectée de A à Z. Elle ne pourrait servir de tige-guide à quelque politique que ce soit. Ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir essayé ! Ainsi, l'inquisition et les religions en générale, surtout les quatre religions du livre (Christianisme, Judaïsme, Islamisme et Zoroastrisme, qu'on oublie un peu souvent) ont fixé en leur sein des règles morales qui se voulaient fixer pour toujours le morale de l'immorale. Autant dire qu'après plus de 2000 ans d'essai, nous sommes en droit de se demander s'il faut persister dans cette voie...

 

1-3 La morale ne peut être intangible

Les dilemmes moraux évoluent de toute façon en fonction des sociétés. Ainsi, ce qui est moral à une époque, peut ne plus l'être très rapidement. Et partant, les dilemmes moraux vont évoluer de même ! Ces évolutions sont tellement complexes qu'à vrai dire, il serait impossible de définir en quoi une moralité, en quoi des dilemmes moraux sont acceptés ou refusés. Vu l'évolution actuelle des sociétés occidentales, accepter une morale un jour, c'est surtout accepter que de nouveaux faits l'invalide le lendemain. Aucune morale n'est donc intangible, mettant en échec la possibilité de s'en servir pour gouverner dans le temps ; or si gouverner c'est prévoir, dans ces cas là, essayer de définir en quoi la morale pourrait être la meilleurs des politiques reviendrait à annihiler la politique.

 

1-4 La morale ne peut être collective

Dans une société symbolisée par « le temps des tribus », pour reprendre le titre d'un ouvrage de de Michel Mafessolli, peut-on imaginer une morale qui soit acceptée par l'ensemble du « corps social » ? On peu de nouveau en douter. Au contraire même, le communautarisme est au fond un combat de valeurs, un combat de moralités qui s'opposent frontalement. Par conséquent, à moins d'exclure les partisans tenants de certaines moralités, il ne peut y avoir de morale acceptée par tout un chacun comme étant le socle de la meilleure des politiques – or l'exclusion de groupes sociaux entiers me semble, à titre personnel, immoral. Cet aspect renvoie à un autre aspect : si une morale était fixée comme pouvant être la base de la meilleur des politiques, qui la fixerait, et comment ? Platon disait dans la république que la meilleur des république est la république des meilleurs. Encore faut-il s'entendre sur ceux qui peuvent être acceptés comme étant les meilleurs. Qui sont les meilleurs ? Les ENARQUES ? Les Philosophes ? Les médecins ? Le tout venant ? (ce qui signifierait que tout un chacun étant le meilleur, la société ne pourrait être gouvernée, puisque les meilleurs ne pourraient être sélectionnés). Ainsi, il n'est pas possible d'être d'accord avec Platon. La meilleur des république ne peut se baser sur la gouvernance des meilleurs à l'exception des autres. Il nous semble en aller de même avec la morale.

Toutefois, si les ordres moraux ont montré que le recours à la morale comme base de la politique est synonyme de totalitarisme immoral, si la morale ne peut être pleinement collective, si on ne sait qui peut de droit se revendiquer de fixer la meilleur des morales, peut-on pour autant imaginer que la politique peut faire fi de toute morale ? La déconstruction de la morale peut-elle aller de paire avec sa négation ? C'est en quelque sorte la posture du marquis de Sade ; or il nous semble justement que cette absence de moralité est de fait synonyme d'immoralité.

 

2- La politique ne peut se faire sans recours à la morale

 

2-1 L'absence de morale : absence de justice ?

En fait la morale recouvre plusieurs versant : le versant des mœurs, le versant des tabous fondateurs d'une société, le versant des actions quotidienne, etc. Ces différentes dimensions se recouvrent, mais on retrouve tout de même des tendances durables. Le meurtre est interdit, il nous semble que la chose est plutôt défendable ! Idem pour l'essentiel des sévices et dégradations atteignant l'intégrité physique et psychique des personnes. La loi vient ici mettre en forme un versant moral de la société et le politique, en maintenant cette loi, montre que la morale est une tige guide sur le long terme, quand bien même dans les débats quotidiens, nous tendons à l'oublier.

Ainsi, la justice entre les hommes et femmes ne peut se baser sur un sens uniquement éthique (pour faire référence à Lévinas), mais aussi sur un versant moral. Comme le dit Lévinas dans « entre nous » (et non pas dans Totalité et Infini, comme je l'ai entendu sur France Culture il y a une semaine...) l'impossibilité du meurtre entraîne la nécessité d'un ordre recourant à la justice. Ce qui fait que toute justice, continue l'auteur, est une justice sociale (ça, il le dit dans « difficile liberté »). Ainsi, la morale et la justice sont indissociables. Sans morale, pas de justice, et inversement.

 

2-2 La morale, un débat

Quitte à empiéter un peu sur la troisième partie, notons qu'au moins, les groupes et acteurs qui fustigent des actes qu'ils jugent immoraux ou bien qui luttent contre l'ordre moral, font avancer le débat social. La moralité (1) ne peut être fixée, nous avons dit (2) qu'elle n'était intangible et que (3) si elle pouvait être le socle de la meilleure des société, cela se saurait. Pourtant, dès lors que le débat politique et collectif ne cesse d'y revenir sur la question morale, c'est bien que la morale a une fonction primordiale dans la vie en société. Le but de la morale est-il qu'elle fixe une politique, ou bien plutôt qu'elle fixe des lignes de démarcation et de questionnements desquelles découlent ensuite des prises de position politique ? Ainsi, la question serait alors non plus « La morale est-elle la meilleure des politiques ? » mais « La morale est-elle nécessaire pour soutenir un programme de ce qui nous semblerait être la meilleure des politique ? » et la réponse nous semblerait être tout autre. Une politique ne prenant appuis sur aucune morale mérite-t-elle le nom de politique ? Il nous semble que ce ne soit pas le cas.

Or en l'absence de politique, y-t-il société ? Là encore, la réponse nous semble négative. Ainsi, l'absence de morale commune à laquelle adhérerait toute une population est une chimères, en revanche une société adhérant dans son ensemble à un débat articulé autour de débats moraux nous semble d'avantage aller dans le sens des perspectives Rousseauistes par exemple.

Partant, nous avons dit que la meilleure des politique ne peut être synonyme de morale, en revanche nous avons qu'elle ne pouvait se délier de cette morale si jamais l'unité sociale doit être préservée. Nous avons dit que la morale n'était pas un ligne politique collective sauf si elle fait débat entre des acteurs opposés. Nous allons donc à présent nous questionner pour savoir dans quelle mesure le débat sur la morale peut s'organiser.

 

3-L'art du débat Moral

 

Lénine disait que la révolution est un art ; nous dirions que dans le cas présent, nous pensons que le débat relatif aux dilemmes moraux est un art. Cet art a d'ailleurs été discuté par le philosophe social critique allemand Habermas.

 

1-Les débats moraux comme essence de la morale

La psychologie a étudié la naissance de la morale chez les enfants dans une perspective Piagétienne, c'est-à-dire génétique. Selon les auteurs comme Kohlberg [là, je triche, j'ai une antisèche, je fouille dans ma bibliothèque car je ne me rappelait plus du nom de cet auteur] ont peut étudier l'émergence de la morale chez les enfants en posant des dilemmes moraux. Par exemple, on demande à un enfant : si toi ou une personne devait mourir et que tu pouvais sauver une des deux, qui sauverais-tu ?

Notons une chose avant d'aller plus loin, c'est que la morale n’apparaît pas en tant que telle comme une danseuse en tutu [ne pas mettre ça dans une dissertation...] La morale est par définition un débat, elle apparaît sur des lignes de fractures lorsque des acteurs individuels ou collectifs estiment qu'un acte, ou un préalable à cet acte qui pourrait être une parole ou une idée (des actes de langage selon Austin) ne sont pas défendable en ce qu'ils atteignent l'ordre social, la paix sociale, l'émancipation des personnes, le droit à être en tant qu'individus s'autodéterminant – ou nous devrions dire "tendant à essayer de s'autodeterminer". La morale, par définition, c'est le débat.

 

2-Axe des débats moraux

Partant, si la morale est un débat, comment se pose ce débat ? Habermas critique de façon assez virulente les travaux de Kohlberg. Dans « l'éthique de la discussion » il dit que les dilemmes moraux de Kohlberg n'ont aucune validité pratique. Pourtant, savoir si l'on accepte de mourir pour sauver une autre personne est un type de dilemme qui s'est déjà posé dit Habermas, mais ces dilemmes n'apparaissent que lorsque toute morale n'est plus valide ou invalidé, en période de crise ou d'effondrement éthique. Ainsi, dans les camps de concentration, les gardes nazis s'amusaient à poser ce genre de dilemmes à des prisonniers qui tous allaient de toute façon être exécutés peu après. En somme, se poser ces questions, ces dilemmes moraux, revient à se poser une question superfétatoire. Habermas parle de « Dilemmes Surérogatoires ». Ces dilemmes surérogatoires sont par essence des dilemmes moraux qui ne peuvent se poser lorsque l'intégrité des personnes est garantie, ce ne sont que des questions qui visent d'avantage à creuser des failles morales qu'à en résoudre. En somme, la morale s'étudie dans des failles, avons nous dit, mais ces failles ne peuvent être des dilemmes. Ces dilemmes sont d'avantage des réponses que des questions

 

3-La morale, une quête dont l'absence de solution est la principale solution (l'espace public)

C'est d'ailleurs là que l'on comprend que les ordres moraux ne pouvaient être que totalitaires, parce qu'en imposant des réponses, ils ne laissent au raisonnement que des failles superficielles. Un ordre moral ne peut que porter des contradiction et n'est viable qu'à condition que la force physique ne fassent reposer les débat moraux sur ces failles surérogatoires.

Si une politique, avons nous dit, s'essaie (1) à se reposer sur un débat moral qui face au minimum consensus ou du moins dont (2) les réponses, en termes de décisions politiques, fassent un minimum consensus, il faut donc s'assurer que (3) le débat s'exerce de manière à ce que chacun y adhère suivant des règles qui fassent consensus d'une part, et que les réponses données si elles ne le font pas, consensus s'entend, fassent (4) au moins objet d'une reconnaissance collective leur assurant une légitimité.

La solution à ces quatre conditions, affirme Habermas, est de s'assurer un « espace public » dans lequel puisse s'exercer le débat. Cet « espace public » devrait permettre, afin de fonctionner, de permettre l'élucidation des postures et positions morales des « débatants », l'absence de jugement moral justement parce que le jugement moral s'il est le point de départ du débat ne peut être son moteur et sa solution sous peine de tomber dans les anathèmes. Christophe Dejours, psychologue du travail, se basant sur la théorie Habermassienne, parle lui de la nécessité d'entretenir dans les entreprises des espaces où s'exercent des « activités déontiques » c'est-à-dire des débats sur comment 'bien faire' le travail, 'comment bien exercer' une activité, de partager le sens éthique du 'bien travailler' et partant, d'établir des règles de fonctionnement qui permettent au collectif de favoriser que se fasse un 'bon travail' dans des 'bonnes conditions'. Notons que ces espaces ne peuvent, selon lui, qu'être en bonne partie auto-organisés et se défaire de jugement moraux péremptoires – c'est alors aux cadres de fixer, justement, les cadres du débat

Difficile de faire plus pratique...

 

Conclusion

Nous avons donc dit que la morale ne peut être la meilleur des politiques, que la politique ne peut cependant se faire sans recours intensif à la morale. D'ailleurs, avons-nous ajouté, la politique repose en majeure partie sur des débats moraux. Nous avons ensuite déterminé quelle peut être la nature de ces débats.

La question se pose alors, en suivant Habermas et les penseurs actuels de l'école de Francfort qui lui succède, de la place et de la nature du débat dans l'espace public actuel.

En effet, les médias actuels tendent à promouvoir des débats moraux à base d'anathèmes, de jugements non élucidés et surtout péremptoires. Plutôt que de se défaire des affects ou plutôt de leur donner la place qui leur revient, seuls les affects sont mis en avant souvent sous forme de dilemmes moraux surérogatoires. On pense bien entendu au travail des polémistes actuels qui nous paraissent donc être l'antithèse de ce que nous estimons être un débat public permettant, sur la base de dissensions morales, le support d'une politique que tout un chacun jugerait légitime. Peut-être est-ce là l'explication d'une bonne partie de la perte de légitimité de l'action publique bien qu'il ne faille pas réduire ce fait à l'existence de la télé-réalité ou des chaînes d'information en continue.

Néanmoins, il semble faire consensus que l'actuel débat sur les questions morales tourne d'avantage vers une politique qui a terme risque de s'imposer par un ordre moral qui se voudra intangible et sera surtout totalitaire et injuste – immoral en somme.

 

 

 

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