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Pacte et contrat social comme fictions politiques

Publié le par Scapildalou

J'ai voulu bien comprendre la question du pacte social et du contrat social et pour ce faire, je me suis plongé bien entendu dans Rousseau. Pourquoi le pacte social ? Pourquoi le contrat social ? Et bien, il se trouve que ce blog réfléchi justement à la question du lien social, de ce qui nous constitue en tant que société, mais aussi, j'avais publié quelques articles sur la question de la légitimité de l'état d'un part, et sur celle du parlementarisme – appuyant sur la limite de la conception parlementariste de la société comme solution tangible. J'avais aussi publié des articles sur le contrat et la notion de contrat. En étudiant ce contrat, j'avais découvert, vraiment hein, c'était inattendu pour moi, le miroir des princes, un style littéraire né au Moyen Âge et dont l'apogée sera Le Prince de Machiavel.

 

1-La continuité institutionnelle de l'empire Romain

D'où vient donc la notion du contrat ? J'aurai pensé, en bon péquenot que je suis, qu'elle est née avec le débat Rousseau Hobbes. Et bien non. Non, le contrat est une notion apparue bien plus tôt que ça, et Rousseau n'a fait que baser sa réflexion sur cet acquis. Il tenait pour acquis qu'il y a un contrat social effectif. Or il me semble, mais j'y reviendrai après, que ce présupposé de base est une erreur. Une monumentale erreur.

Revenons loin en arrière, ce ne sera pas la première fois sur ce blog.

Je me suis longtemps questionné sur la fin de l'empire romain car j'avais peine à me rendre compte de ce que pouvait signifier la chute pile poil en 476 de l'empire romain. L'affaire représentait pour moi le même mystère que celui la fameuse boite de cassoulet dont la date de péremption dit qu'au 14 octobre 2025 elle est encore comestible, mais que le lendemain, il ne faut pas y toucher. Que se passe-t-il dans cette fameuse nuit du 14 au 15 octobre 2025 pour que la boite de cassoulet Toulousin du lot 14102018 scellé à Ploezie en Roumanie devienne non comestible lors du changement de jour ? Est-elle comestible jusqu'à 23h59 ou jusqu'à 0h00. Et si le cassoulet à été cuisiné à 23h59 alors que je rentre d'un concert et que je le mange à 00h02, est-il comestible ?

C'est la même chose avec l'empire Romain. Il n'est pas tombé en 476, c'est une fiction politique. Ce qu'il se passe, c'est que le 4 septembre 476, Odoacre, un roi Barbare mais pas beaucoup plus que l'essentiel de chevalier romain depuis 200 ans au bas mot, démet l'empereur Romain d'occident et renvoie les insignes à l'empereur romain d'Orient. Au final, le conflit avec le dernier empereur romain d'occident l'a poussé à quérir une légitimité politique auprès de l'autre empereur, un peu plus loin des yeux et donc du cœur. De fait, les institutions romaines à commencer par le sénat restent en place (mais sous les ordres du roi). L'église va devenir la successeur institutionnelle de l'empire romain d'orient car elle incarne sa continuation depuis qu'elle est mariée, pour ne pas dire consanguine, avec la direction de l'empire.

Au reste, l'empire n'avait plus réellement de poids sur les événements locaux depuis un certain temps. Faible, il déléguait sa légitimité, c'est-à-dire sa capacité à faire respecter et reconnaître les lois venant justifier les modalités de domination et d'exploitation et les rituels justiciers venant les performer (leur donner forme), depuis un certain temps déjà à des auxiliaires. Ces auxiliaires barbares venaient protéger les élites locales, leur permettre de durer et de maintenir les modalités de domination et d'exploitation.

Au fond, 476 ne change pas grand chose à la logique de décadence de l'empire romain même si la date vient confirmer ce qui de facto existait déjà depuis un certain temps, à savoir le manque de pouvoir, d'allonge, de capacité à régner et à faire la loi c'est-à-dire de légitimité de l'empire romain d'occident.

Les « Barbares » qui s'installeront ensuite sur les territoires de l'empire romain n'en continueront pas moins à demander jusqu'à Charlemagne (on est quand même en 800...) à l'empereur romain d'orient de les reconnaître et au pape, descendant des institutions romaines, de les reconnaître aussi. Les rois et roitelets vont même se faire des gue-guerres de légitimité, à qui se fera plutôt reconnaître de l'empire romain d'orient, ou qui ira plutôt chercher reconnaissance vers la curie, digne descendante du sénat de la république romaine. Surtout, les barbares qui vont s'installer (en faibles nombre) sur les territoires auparavant administrés par l'empire vont chercher aussi une légitimité auprès des élites, urbaines surtout, ces élites. Le contrat était ainsi : nous vous garantissons la sécurité, et nous, nous prenons quelques terre – accessoirement, par ici les pépettes. Les droits barbares/romain sont restés séparés pendant un certain temps. C'était bien d'une occupation qu'il s'agissait mais les barbares subsistaient sur les cendres du système de production romain. Les pillages servaient davantage à montrer que l'occupant pouvait s'énerver un bon coup et faire une piqûre de rappel aux occupés, leur montrer que si on énervait les nouveaux venus, ça pouvait leur donner envie de faire tomber des têtes.

Mais avec la fin de l'empire, de sa centralisation, du réseau de villes, etc. ce qui va s'effondrer, c'est le mode de production. Le mode de production, l'industrie, le commerce qui reposaient sur un équilibre rompu par la fin des échanges commerciaux, intellectuels et la circulation non pas seulement des élites mais des masses aussi (la conquête se faisait en laissant en pays vaincu les légions s'installer et se mélanger, avec le temps au moins, au populations autochtones). Le fameux « donnez moi un moulin, je vous donnerai le servage » de Marx est plein de vigueur ici : fin du mode de production = nouveau mode de domination, nouveau mode d'organisation sociale, nouveau mode de production du savoir, effondrement et renouvellement de l'ordre symbolique et moral, etc.

On a injustement considéré les fameux « rois fainéants » les reléguant à la poubelle de l'histoire. Au fond, ils furent rois de situations bien plus politiques qu'il ne semble. Les maires du palais s'imposèrent grâce à des habilités politiques. Notez que le terme « émir » en arabe vient de celui de « maire », c'est dire. Parfois sans réelle formation mais avec beaucoup de componction, un recours habile à la violence puis aux promesses tenues et non-tenues, ils se sont imposés et ont fait tenir des royaumes instables et amenés à ne pas survivre à leur ministère. Ce qu'il va se passer, c'est l'apparition de l'empire Carolingien (qui ne survivra pas à l'empereur tel quel sinon sous la forme du saint empire romain germanique – qui officiellement durera jusqu'en 1808 et sa chute lors des guerres napoléoniennes).

Après la chute de l'empire Carolingien et par conséquent de son administration, il va y avoir un changement majeur en europe. En moins d'un siècle donc, l'empire romain germanique va s'affirmer en puissance avec une légitimité qui est celle de la continuation de l'empire romain d'occident, reconnu en partie par l'empire romain d'orient et surtout par le pape (jusqu'au bout, l'empire cherchera à reconquérir l'italie en entier et, à défaut de faire perdurer sa présence de façon continue, le monde germanique sera un acteur majeur jusqu'à la première guerre mondiale dans la péninsule).

Deuxièmement, l’expansion Arabe semble se limiter à la péninsule ibérique et au nord est des pyrénées. Deux royaumes se forment : le royaume de Castille et Léon va se souder, ainsi que le royaume du Portugal. Les deux entités étant dominées par des familles d'origines Germaniques. En 1066 l'Angleterre est unie et, en vue de la dominer, le roi Guilhaume va devoir mettre en place un système administratif et centralisateur amené à perdurer. Le royaume du Danemark se fige dans une position « moderne », idem pour celui de Pologne-Lituanie, et celui de France prend une tournure assez significative.

Le système des « maires » du palais va plus ou moins perdurer, mais les tôliers élisent un roi, Hugues Capet, sensé être leur jouet.

L'élection du roi était-elle un rite ? Oui, depuis les barbares déjà. Les francs, les Germains en général et d'ans une certaine mesure les celtes aussi, n'avaient pas réellement de roi sinon lorsque les tribus s'unissaient pour une cause commune. Ces cérémonie avaient lieu lors des Plaids, de grandes « assemblées générales », censées représenter les hommes libres.

Mais ces assemblées étaient plutôt une sorte de rituel légitimant un roi et de toute façon, ne prenait part au débat que des nobles, une sorte de sénat au fond, représentant les chefs des tribus et factions.

 

2-Le contrat social

Néanmoins, ces plaids vont fournir le support d'une réflexion. Nous avons laissé l'histoire de l'europe au Xème/XIème siècle avec un changement institutionnel majeur : la formation de royaumes assurant à la noblesse guerrière ce qui sera son âge d'or.

Depuis un certain temps, en manque de ressources intellectuelles pour penser la gouvernance puisque le savoir s'est perdu, les rois et chefs du palais se demandent comment faire pour gouverner et accessoirement, se demandent ce qu'est un bon gouvernement. Par exemple : un roi peut-il sauver le peuple qu'il est censé protéger, puisque les plaids le reconnaissent comme sont roi de guerre et protecteur des populations (n'oublions pas que le pacte, s'il existe, s'est passé entre des élites locales et urbaines issues des magistratures locales de l'empire romain et les chefs barbares venus s'installer en échange de la protection qu'ils donnent aux populations locales), sauver son peuple donc, en en sacrifiant une partie ?

Peut-il assurer le bonheur de son peuple contre l'avis de ce dernier, en prenant des solutions qui assurent sa position de gouvernant, au détriment du bonheur du peuple ? Ça cogite quand même, parce qu'officiellement le roi doit protéger des élites (s'il ne les protège plus, à quoi sert-il comme potentat ?) d'un autre côté pour pouvoir continuer à les protéger, il doit penser à défendre ses intérêts qui sont justement bien souvent antagonistes avec ces élites locales (et ne parlons pas de la chiourme...)

Les rois vont donc poser cette question aux rares lettrés et intellectuels restant au Xième siècle et, disons-le, ils vont se faire doubler. C'est du moins ce que j'ai déjà laissé entendre sur ce blog. Il vont se faire doubler car demander à quelqu'un qu'elle est sa légitimité, c'est lui laisser définir ce qui est notre pouvoir et donc déposer notre pouvoir en ses mains. Disons pour être plus direct, que les intellectuels à qui les rois vont poser cette question vont prendre un sacré ascendant sur les rois. Mais il vont quand même cogiter sérieusement.

Leur gamberge les amène à regarder en arrière. Ils vont se rappeler des plaids et de ce qu'il en reste, et dire aux rois, en substance, ceci : « votre pouvoir vient de ce que les peuples vous ont confié leur sécurité et protection. Ils vous ont confié la possibilité, dans une certaine mesure de faire les lois et d'en être garant, mais sur une base qui est celle-ci : vous devez assurer leur protection et les laisser vivre. Un roi qui n'assure plus la protection de son peuple voire même se comporte en tyran envers lui, peut-être légitimement chasser de son trône ». Dont acte.

Forcément, ça a calmé les rois qu'on leur présente de cette façon les fondements et assises de leur siège.

Ces livres ou recueil de la parole des intellectuels se nommeront « les miroirs des princes », ce fameux genre littéraire. Ce miroir reposera sur le principe qu'existe entre une assemblé du peuple et le roi un contrat explicite, un pacte. Pour rappel, le pacte = le mode de paix. Le roi doit assurer la paix du peuple, c'est ce qu'affirment ces intellectuels, au moins s'ils veulent asseoir leur place. Et c'est valable pour tous les chevaliers et nobles qui doivent assurer la protection des serf vivant sur leurs terres.

 

3-Le servage

Les serfs ? Ah, oui, encore cette fameuse question des moyens de production. Mais j'ai déjà appuyé dessus sur ce blog. En quelques mots : nous l'avons dit, l'économie et l'industrie se sont effondrées. Finis les calculs savants permettant d'acheminer de l'eau via des aqueducs. Finis les grands bâtiments. Les minuscules chapelles du VIIème siècle ou des alentours témoignent que s'est perdue la capacité réflexive, scientifique et technique. Avec ça, c'est la capacité productive qui s'est effondrée. Tout est à refaire, et se tirer les doigts du cul va prendre du temps – plusieurs siècles avant qu'en 1095 par exemple soit inaugurée par Urbain II une cathédrale telle que St-Sernin à Toulouse. Il y a eu du chemin depuis les chapelles romanes. Bon, du coup, les seigneurs locaux pendant ce temps là tiennent le peuple par les couilles en disant ceci : la force, c'est moi ; la violence, c'est moi ; et le chocolat, c'est moi. Ils avaient de l'humour. Bon, dans les faits, comme disaient l'autre, le peuple a répondu « les pigeons, c'est nous ». Il a donc fallu les fixer sur la terre ces gueux, sous peine qu'ils ne se barrent ailleurs. Deux solutions à ça : la première : le servage. Ce mode de production repose sur une sorte d'esclavage généralisé. Surtout, les serfs ne se déplacent plus sous peine d'être des hors la loi dont on peut finir de faire ce qu'on veut. Deuxièmement, les seigneurs vont trouver une modalité d'exploitation assez machiavélique. Ils vont obliger les paysans à cultiver du blé. Pourquoi ? Parce que le blé nécessite un moulin (que les paysans ne peuvent avoir) et des fours (qu'il est difficile d'avoir aussi). Or les nobles en extorquant les serfs vont se payer des moulins et fours nécessaires et en plus, pas cons, ils vont en faire payer l'usage à ces mêmes serfs. Un peu comme si de nos jours, on payait pour que soient construites des autoroutes, puis qu'on les vendaient ensuite à des entreprises privées qui faisaient payer cet achats... au peuple qui en a financé la construction. Pas bête, hein ?

Ça, c'est le principe du servage qui va durer, crise épidémiologique oblige, jusqu'en 1347-1350 où la peste frappera tellement fort que le rapport de force va, dans une certaine mesure, s'inverser. Les serfs devenant moins nombreux et donc rares et donc indispensables à la richesse des nobles, ces derniers se feront un peu moins pressant. De facto, le servage est à moitié aboli au XVème siècle sinon, en certains endroits, totalement aboli.

 

4-Le maintient du pacte

Mais est-ce que pour autant, le pacte social va changer ? Et bien oui et non. Le roi, dans la pensée politique, reste une émanation du peuple et en cela, il est censé garantir la sécurité de ce dernier. Dans les faits, le roi est surtout l'émanation de partis politiques, de factions plus exactement, avec lesquelles il est obligé de jouer s'il veut se maintenir sur son trône éjectable.

Cependant, le roi reste faible et ne dispose certainement pas des pleins pouvoirs, y compris lorsque la monarchie deviendra absolue. Nous avons parlé des serfs mais bien moins des villes et des bourgeois. C'est que les bourgeois, les villes, ne fonctionnent pas sur un mode de servage. Si l'évêque dans les villes européennes demeure à une place centrale, il n'en reste pas moins qu'il doit faire avec les riches, ceux qui possèdent la mainmise sur le commerce et les activités de production. Et aussi ceux, accessoirement, qui maîtrisent la milice. Ça, ça calme. Les villes s'organisent toujours autour de reste de sénat urbain, des chefs, des capitouls en occitanie. Ce sont les restes lointain des institutions consulaires romaines. Là encore existent des parlements, des juges, des cours de justice qui échappent totalement au mode de domination royale. Et ces cours et centres de pouvoir puissants adhèrent à une idéologie bien différente de celle du servage. Ceux qu'ils veulent, c'est la liberté de production et de commerce. C'est pour cette raison que le thème de la liberté sera si fort dans les communes italiennes comme celle de Sienne qui résisteront avec force (et souvent en vain) à l'établissement de dominations seigneuriales en Italie (logique qui peut-être étendue à la ligue Hanséatique, en mer du nord)

La commune, c'est un mode de liberté, entendu comme liberté de production et de commerce. Ceci dit, face à ces bourgeois, émergent des corps intermédiaires, les corporations, dont le pouvoir se fonde sur la maîtrise de l'outil de production.

Or justement, les miroirs des princes disaient que le roi était l'émanation du peuple directement. Ces corps intermédiaires viennent tout bouleverser. C'est aussi pour cette raison qu’apparaît au XVIIème et XVIIIème siècle une idéologie que l'on nomme « la physiocratie ». Cette idéologie prône la suppression des corps intermédiaires, et trouvera son débouché politique en 1791 avec la loi Le Chapelier qui supprimera les corporations... Sauf celles des patrons (à la simple condition qu'ils n'en profitent pas pour s'entendre sur une hausse des prix).

 

5-La cécité du pacte

Ce que cette idéologie du pacte prônant un lien direct entre le roi, émanation de la volonté du peuple et le peuple ayant un besoin de délégué la direction de la force et de la violence à un roi centralisateur omet, c'est que le peuple... est ici une fiction. Le peuple sera toujours éloigné des lieux de pouvoir et ce d'au moins deux façons. D'une part, les plaids, à l'origine, au temps des francs avant que les francs ne sortent de Belgique (une fois) ne mettra aux prises des décisions seulement les hommes libres. C'est-à-dire une minorité du peuple. De plus, nous l'avons dit, l'essentiel de ces hommes libres ne faisaient qu'au mieux assister aux débats et acclamer les décisions. Mais qui parlaient alors, lors de ces plaids ? Nous l'avons, dit, les chefs de tribu, les chefs de clan.

La deuxième exclusion du peuple le sera donc par son exclusion législative. Le droit va se créer sur la base de rituels « romains » et religieux. Par rituels romains, j'entends ces sénat des villes et ces assemblées qui vont tenir lieu de centres de pouvoir locaux. Les magistrats ne seront jamais du côté du peuple, toujours du côté des « bourgeois », au sens marxiste du terme bien entendu.

En d'autres termes, le parlementarisme a toujours eut comme commun dénominateur sous toutes ses formes, de façon historique, l'éviction du peuple.

De fait, le pacte social, le contrat social a toujours été une fiction, puisque le peuple n'a jamais consenti à déléguer sa sécurité et le pouvoir à un roi. Et même, à y regarder de près, il a mis plutôt pas mal de forces dans la balance pour peser de l'autre côté.

Si pacte il y a, c'est entre des élites et les pôles de gouvernance. Là, oui, il y a des pactes plus ou moins explicites, mais le peuple ne sera jamais inclus dans quelque pacte que ce soit. Ce dernier sera au contraire toujours placé en face de faits accomplis, obligé de constater ce qui était décidé par des élites, obligé de deviner la natures des pactes quitte à enjoliver un peu et emballer ça dans un récit complotiste, en fonction de ses moyens narratifs.

Le mythe du pacte social, et du contrat social est une belle fiction qui va être utilisé pour faire croire au peuple qu'il accepte de tout temps et sans conditions le mode de domination politique tel qu'il est exercé. Et surtout, pas de débat, pas de vague. C'est le pacte, c'est comme ça. Si vous ne l'acceptez pas, vous êtes en marge.

D'ailleurs ce n'est pas pour rien que les seigneurs ont tenté de fixer grâce au servage les chemineaux, les marginaux. Puis après eux, ce sera l'époque du grand enfermement. Puis après encore, les livrets de travail. Et encore les passeports des gens du voyage, etc. l'enjeu du pouvoir est de limiter, pour se maintenir, les déplacements du peuple. L'enjeu, et on le voit bien en période de crise, est d'éviter que le peuple ne se meuve sans contrôle. L'hygiénisme a aussi servi à créer des modes de reconnaissance et d'exclusion, soit dit en passant.

Ainsi, lorsqu'on vous parlera de pacte social ou de contrat social, vous n'entendrez plus « vivre ensemble » mais « restez assis ».

 

6-Conclusion

Ce qui est intéressant sur les deux principaux penseurs du pacte social habituellement reconnus, Rousseau et Hobbes, c'est qu'ils font totalement l'impasse sur la question du miroir des princes par exemple. Je doute que Hobbes l'ait pourtant ignoré. Ce qui marque ces deux penseurs, c'est la découverte d'autres civilisation vivant à poil. Or, comme le disait Christophe Colomb « [les indiens] vivaient nus comme dieu les a conçu », sous-entendu : ces peuples « nouveaux », « découverts » par les occidentaux représentaient le chemin direct et non évolué de ce qu'étaient Adam et Eve au paradis. Or même ce présupposé de départ est faux. Il n'y a pas de société primitive. Les sociétés primitives existaient il y a longtemps, celles qui existent aujourd'hui, enfin au moment où les colons occidentaux sont venus les perturber, avaient peut-être des modes de production parfois semblables aux anciennes civilisations, mais c'étaient néanmoins des sociétés actuelles, modernes, même si le sens de « modernité » est ici différent de notre modernité. Certaines étaient des sociétés très équilibrées, relativement pacifiques, avec des inégalités faibles, mais un taux de mortalité par guerre/meurtre extrêmement faible, un taux de famine inexistant, un taux de travail relativement faible puisque les cycles de la nature et de production étaient fortement rationalisés et maîtrisés. Moins de temps à travailler = plus de bon temps, ce qui a fait dire que ces peuples étaient des fainéants. Ajoutons à ça que dans la bible il est écrit que la condition humaine, c'est le travail (quand adam et eve ont été obligé de se mettre des nippes autrement que la feuille de vigne pour la photo), les voir glander, jouer, se raconter des histoire et niquer sans trop de frustration, les européens pleins de MST, ça les a titillé méchamment. Mais il n'en n'est pas moins resté que ces peuples ont fondé l'archétype de ce que les penseurs de chez nous ont estimé être les peuples de condition primitive, donc avant le contrat social. Ici, au fond, contrat social = travail et, de fait, ce n'est pas totalement faux. Le rapport entre les deux est consubstantiel, certes, mais ce ne sera pas pourtant l'objet des modèles sociaux imaginés jusqu'à ce que Marx vienne mettre un peu d'ordre là-dedans. Et encore, certains plaqueront sur ces société l'odieuse expression de « communisme primitif » ce qui au-delà d'être faux, était en plus injurieux.

Mais le pacte social et le contrat social restent. Ils restent comme le mythe fondateur, un des points de capiton, un pilier sur lequel repose le mythe social actuel.

Aller en sens inverse est un impensé et pourtant, n'est-il pas l'heure de remettre en cause ce mythe du pacte social ? La suite dans un prochain article

 

(si je n'en n'ai pas la flemme...)

 

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