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Déterminer la taille du 'R' dans le mot 'Référence' (le 'H' axiologique)

Publié le par Scapildalou

Dans le capital, Marx établit une théorie de la valeur faisant toujours loi. Que sont les valeurs ? Ce qui intéresse Marx à ce moment, c'est de démystifier la marchandise et l'argent, la monnaie, et de leur conférer une théorie explicative permettant de d'appréhender leurs dynamique sans avoir recours à des théories fumeuses et idéalistes.

La valeur d'une marchandise, dit Marx, est déterminée par le temps de travail totale nécessaire à sa production. La valeur, c'est donc du temps. Le mode d'échange des marchandises étant l'argent, la valeur monétaire de la marchandise, l'argent, c'est donc en quelque sorte une quantification du temps passé à le produire. Si je passe une heure à produire une marchandise et que le salaire globale est de 15€, alors le coût de la marchandise sera autour de 15€. Si je paye un resto à 30€, je dépense l'équivalent de 2hres de travail.

Donc plus il faut de temps de travail pour produire une marchandise, plus cette marchandise sera chère ; c'est pour ça qu'un paquebot coûte plus chère qu'une voiture. Les tôles du paquebot sont elles-mêmes une marchandise qui aura été produite avec beaucoup de temps de travail, etc.

Nous noterons tout d'abord qu'une valeur est toujours quantifiable. Elle l'est entre trois pôles : un pôle '+' et un pôle '-' et le rapport qu'entretien l'objet sociale mesuré avec un autre objet social qui lui-même est mesuré entre deux pôles (un + et un -)

 

Cette théorie ainsi exposée explique pourquoi un bateau a plus de valeur qu'une voiture, mais aussi pourquoi une voiture de luxe faite à la main a plus de valeur qu'une poubelle industrielle. Mais en revanche, subsiste tout de même la question suivante : pourquoi les berlines allemandes ont-elles un prix plus élevées que leurs corollaires gauloises alors qu'elles nécessitent autant de travail ?

La réponse est la suivante : le prix élevé, c'est-à-dire la valeur élevée d'une marchandise ne dépend pas uniquement du temps de travail passé à produire cette marchandise, mais aussi des usages sociaux qui en sont faits.

 

Une valeur n'est donc pas seulement liée au temps de travail mais aux usages qui sont faits des choses, à commencer par les marchandises. Une personne qui ne sait pas ce qu'est une Mercedès ni une Laguna, le prix de cette dernière lui fera apparaître qu'il est plus rationnel d'acheter une Laguna. Mais pourtant, le désir de posséder une Mercedès, outre la qualité de cette dernière, fait que son prix (liée à la demande, aux usages sociaux, à l'image de marque, etc.) sera plus élevé. Ce raisonnement, celui de valeurs déterminées par les usages, les désirs, l'image de soi à travers un objet, etc. est cette fois bien plus proche de la question de ce qui fonde les valeurs immatérielles. Car ce qui est bien ou mal, ce qui est valorisé ou non, les pratiques socialement acceptables et reconnues et celles qui sont dénigrées ne dépendent pas du temps passé à faire une chose, une activité, etc. Les valeurs sociales ne dépendent pas du temps passées à les expliquer par exemple, mais plutôt des usages, des coutumes, des représentations, etc.

Il ne s'agit donc plus de déterminer la valeur des choses en fonction de rapports de temps de travail, mais en fonction de rapports sociaux.

Par exemple, l'altérité est plus valorisé que l'individualisme, la bonté est plus valorisée que l'égoïsme. Une valeur n'est jamais seule, elle est toujours comparée à quelque chose, sauf que dans le cas des valeurs immatérielles, cette comparaison ne peut être faite avec un référent quasi universel, à savoir l'argent (qui est lui même, nous l'avons dit, relatif au temps de travail).

Les valeurs concernant une chose, une attitude etc. sont donc toujours relatives à une autre valeur.

Une valeur résulte toujours de la comparaison avec une autre valeur. Sans comparaison, une valeur n'est rien. Cependant, tout n'est pas comparable ; toutes les valeurs ne peuvent être rapportés les unes aux autres.

De même, certaines relativisations sont déterminées culturellement. Nul doute que si vous aviez à choisir entre le décès d'une vache ou celui de votre voisin, vous préféreriez celui de la vache. En inde, ce serait probablement l'inverse...

Nous avons donc les trois dimensions qui définissent ce que sont les valeurs. Les valeurs sont :

1-un rapport

2-un rapport compris dans d'autres rapports

3-un système de mise en comparaison de ces rapports

La Référence (avec un grand 'R') est le nom de ce système de comparaison ; elle est ce point central, cette source qui détermine toutes les comparaisons entres les valeurs, les comparaisons possible et celles qui n'ont pas lieu d'être. Il ne s'agit plus seulement d'un rapport social, d'un rapport d'évaluation entre deux éléments de la réalité sociale mais bien d'un rapport de pouvoir et d'ordonnancement, c'est-à-dire d'un rapport de force. Ces choses de la réalité sociale qui ne sont pas des marchandises (l'altérité, l'égoïsme, etc.) mais qui ont pourtant des valeurs et sont des valeurs, ce sont les résultantes de la pratique des rapports sociaux, de la vie sociale ; cette pratique s'organise autour de la production de la société par l'humain or l'humain se produit en produisant sa survivance – autre apport fondamental de Marx. Les rapports de valeurs découlent donc des rapports de production.

C'est autour de ce système de mise en comparaison des objets sociaux qui se détermine la « morale ». Il n'y a pas de morale sans 'ordre', terme à entendre ici comme système d'ordonnancement ayant une autorité qui va classifier des objets sociaux, les répertorier, les catégoriser. L'ordre est ce qui va lier le quantitatif (le plus bien et le moins bien), la forme et le fond. Les valeurs ne sont donc pas nécessairement morales (une marchandise n'est pas à coup sûr 'morale') mais elles renvoient toujours à un ordre moral, parce qu'une valeur prend toujours sens par rapport à une autre valeur. Certes, entre deux personnes des valeurs peuvent changer : une personne Y peut juger que réussir sa vie c'est avoir une berline allemande quand une autre juge bien plus morale de se limiter, malgré le fait de gagner de l'argent, à acheter une voiture bien moins tape à l'oeil. C'est que la 'Référence' n'est pas identique entre ces deux personnes, ceci-dit, les deux sont conscient (en principe, mais ce n'est pas toujours vrai) de l'importance de la voiture comme objet social et facteur clef d'un certain positionnement éthique et moral.

La référence avec un petit 'r' est le processus de mise en relation, c'est la catégorisation dans un système de classement. Le principe organisateur de ces références est la Référence. Il est important d'insister sur le fait qu'une valeur est toujours la production d'une mesure et que la mesure est toujours le rapport à un étalon. Or il n'y a pas d'étalon universel pour les choses sociales ; l'étalon est déterminé par un petit groupes d'objets sociaux auquel vont être mesurées (rapportés) toutes les autres valeurs. Nous noterons qu'une valeur est toujours référée à une autre valeur qui est elle-même référée à une autre valeur et ainsi de suite. Il y a donc une chaîne de valeur assez semblable à la chaîne signifiant signifié de Saussure.

La valeur, c'est la question de la règle en tant que chaque valeur peut être graduée. La règle est la définition d'une limite entre le faisable et le non-faisable ; c'est ce qui confère 'la mesure' à une attitude jugée acceptable et une attitude qui va être jugée comme ne l'étant pas. La règle, les valeurs, la morale, tout cela renvoie à chaque fois au jugement. Ce jugement sera performatif, il devient dès qu'il est déclaré et fait autorité une règle nouvelle. Le jugement est donc un processus de régulation.

Lorsque l'on dit qu'un système doit être régulé, au fond, on dit qu'il faut 'prendre des mesures' c'est-à-dire poser des règles au sein desquelles de l'acceptable et du nom acceptable auront des places définies. La mesure, la règle et la valeur renvoient à trois faces d'un même problème.

Faire respecter des règles, c'est toujours 'se mesurer' au système moral, à un ensemble de valeur, à la Référence, qui sont à chaque fois imposées par une autorité ayant au moins un pouvoir : celui de faire reconnaître une règle et d'influencer la légitimité (ce qui fait loi).

On dit que l'autorité ne doit pas être confondue avec le pouvoir mais il conviendrait de préciser que l'autorité ne doit pas être confondue « avec le pouvoir de faire faire quelque chose ». l'autorité à toujours une forme d'acte-pouvoir, quelque chose de performatif en ce qu'elle pose par sa parole des limites qui sont de l'ordre des valeurs (des limites axiologiques). Une limite n'est jamais fixe, une définition est par essence la reconnaissance d'une non-limite, c'est toujours un « arrêt temporaire ».

 

 

 

 

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S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. N"hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo). A bientôt.
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