Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pour une critique progressiste des concepts d'autonomie et de responsabilité

Publié le par Scapildalou

Dans l'article « Place faute épisode 2 : être de gauche et conchier les concepts de liberté et d'autonomie quand on n'est pas stalinien : introduction à la critique de la notion d'autonomie » je proposais d'examiner un premier argumentaire afin d'introduire une critique à l'encontre des notions d'autonomie et de son corollaire, la responsabilité.

Aborder ces critiques, je veux dire en faire la critique ou étudier des système de pensée en faisant la critique nécessite, pour le progressiste, de ne pas tomber dans certains écueils :

-le premier, est la dérive bureaucratique (pour ne pas dire stalinienne)

-le deuxième est la dérive relativiste (dire que « tout se vaut ») : tout n'est pas égal par ailleurs et, comme je le montrerai un peu plus loin, cette critique ne peut se passer du soucis d'autrui à moins de devenir stalinienne ou bien fascisante – cette dérive repose aussi sur un certain cynisme, qui atteints son exacerbation dans les dictatures

-le troisième est la dérive communautariste, autoritaire et inquisitrice telle que celle réalisée par l'extrême gauche actuelle, qui soutient l'autonomie comme principe social au risque de la négation de l'altérité de certains - dans une démarche réparatrice souvent (aider une catégorie sociale défavorisée à s'émanciper des représentations pesant sur elle et qui la contraignent)

 

 

1-Nécessité de réaliser cette critique – réflexion démocratique

Critiquer les concepts d'autonomie et de responsabilité est nécessaire, car sur elles reposent nos « démocraties ». Soit on accepte celles-ci comme étant des modalités de vie sociale normales, et c'est alors faire preuve d'un beau cynisme, car elles sont destructrices et reposent sur l'exploitation des populations les plus faibles ; soit on les refuse. Il faut alors comprendre leurs soubassements, ce sur quoi elles reposent, afin d'en démonter (je ne dit pas déconstruire) les rouages pour s'en distendre et ne pas s'y laisser reprendre.

La démocratie peut être considérée comme une modalité de vie sociétale, une idéologie même, masquant les rapports d'exploitation à travers des espaces où la singularité de chacun est engagée. Au lieu de taper sur les opposants, sinon sur un peuple entier, ce qui n'est pas toujours rentable, voir risqué (Bismarck demandait ainsi à ses ministres s'ils souhaitaient avoir à choisir entre leur place ou l'établissement d'un système de sécurité sociale – sur la même base il concéda le droit de vote – censitaire certes), la démocratie permets de faire perdurer un système d'exploitation, avec tous ses travers - moins quelques uns, concessions nécessaires pour laisser souffler « la bête ».

 

Le système sur lequel elle repose comprends :

-le droit de critique,

-le droit d'association,

-l'indépendance de la justice,

-un niveau de violence physique et morale retenu,

-une éthique sociale (une certaine justice sociale) supposant, dans le fond, une certaine égalité

-la conscientisation des membres de la société aux ressorts de cette éthique (par l'éducation notamment)

-mais surtout, la participation des « citoyens » dans les prises de décision politique.

Cette dernière condition est en général perçue comme une conditions nécessaire, sinon unique. Elle était même la seule condition présente dans les discours de Bush fils et surtout dans les médias pour justifier les guerres en Irak, Libye, Afghanistan.

 

Quoiqu'il en soit, on peut même réduire à trois les dimensions sur lesquelles repose tout système démocratique :

-le droit de critique

-le droit d'association

-l'éthique

 

Autour de ces trois dimensions, peuvent vivre des systèmes démocratiques, qu'ils soient économiquement basés sur des rapports de production de type :

capitalistes

socialistes

autogestionnaires

coopérativistes

associationnistes

tribales

sociétaires

etc.

Certes, à chaque foi un certain niveau de violence peut exister, les modalités de critiques ne sont pas les mêmes, et des injustices perdureront toujours mais, grosso modo, le modèle démocratique repose sur ces trois dimensions. Chaque système va aussi devoir mettre en place une modalité de réglementation, à savoir de création de lois garanties, c'est-à-dire excluant l'arbitraire tant que faire se peut (structure étatique, fédérale, communautaire, etc.)

 

 

2-Les restrictions de la conception démocratique dans le capitalisme moderne

Le problème du capitalisme moderne n'est pas excessivement différent de celui de la fin du XIXème siècle ; sinon de par une actualité qui est la pressurisation des ressources naturelles en plus des capacités humaines. Pour fonctionner le capitalisme a besoin d'écouler une production toujours plus grande de biens et service – sinon il s'écroule ; dès lors il faut transformer la personne en consommateur – jusqu'ici rien de nouveau.

Un consommateur doit acheter sans cesse plus et si possible en étant payé sans cesse moins (d'où le crédit). Par ailleurs, la consommation doit porter aussi sur des biens qui de toute évidence n'apportent rien de plus à la vie quotidienne, sinon même la contraignent encore plus en lui ôtant des marges de manœuvres à la personne vivantes (restriction du temps, mises à mal des corps, etc.)

Un des premiers discours a consisté à faire croire que les produits consommés allaient faciliter la vie. C'est parfois vrais. Mais d'autres discours publicitaires n'ont pas tant présentés les produits à acheter comme des aides, mais ils se sont au contraire axés sur des discours moralistes, autour des thèmes suivants :

-le progrès (si vous ne consommez pas, vous allez rester arriérés)

-la puissance et la reconnaissance (si vous voulez devenir quelqu'un, être reconnu mieux que les autres, il vous faut consommer)

 

 

3-Contre l'autoritarisme

La fin des années 1950-1960 a vu apparaître une critique des systèmes autoritaires et des modalités de vie alternatives, des modèles éthiques valorisant la personne plus que le groupe auquel elle appartient. Le concept de lutte des classes a permis de prendre à rebours les critiques réactionnaires contre « la populace », les « hordes de pauvres » ; mais parce que soumise au dogme du marxisme autoritaire qui est passé de « l'union [des prolétaires] fait la force » à « la critique entraîne la désunion », certains en retour ont prônés « l'autonomie », c'est-à-dire un programme souvent associés aux « libertaires » pour affirmer un dégagement des carcans autoritaires. Les autonomes étaient donc un dégagement et une critique du dogme entendu comme ligne politique non-critiquable, et autant dire, je crois que ça a aussi fait du bien.

Ces mouvements, et notamment le mouvement hippy, devait aussi créer de nouvelles modalités de pensées de la communauté d'hommes et de femmes s'extrayant du système contraignant. Pour se faire il a fallu développer une théorie de l'humain comme individu à part entière doté de capacités qu'il doit développer.

Dans ce sens, l'autonomie était une forme d'émancipation et de prise de recul face à la société.

 

4-Contre les travailleurs

Mais c'était oublier que la lutte des classes et la ligne des organisations marxistes par exemple, avaient pour but non de décérébrer des travailleurs, mais de maintenir une cohérence des collectifs de travail et au delà, des cadres de défense des conditions de travail. En effet, empêcher l'individualisme, c'était aussi favoriser le règlement collectif des luttes, et donc empêcher que certains aient plus de droits que d'autres, ou plus de privilèges. La ligne des partis et des syndicats visaient une certaine cohérence.

Hors le patronat s'est trouvé une aubaine das par la ligne autonome valorisant l'individu. En 1973, le patronat prenant prétexte de la formation continue, cassait les carrières collectives en instituant un système de formation brisant les référentiels partagés.

 

 

5-La morale de l'individu

Le discours publicitaire s'est aussi saisi de la question de l'autonomie et en a fait une morale. Le « soyez autonomes » s'est insinué comme produit marketing (« devenez libre », « devenez vous-même », « cassez les carcans pour être enfin la personne que vous voulez être », etc.)

L'autonomie n'est donc plus devenu un programme, mais un discours morale (de même que l’associationnisme avait en 1849 perdu son caractère de programme politique pour au final, en 1901, devenir une simple modalité d'organisation d'un groupe de personne – loi de 1901).

Parce que l'autonomie s'est lié à la prise en main de son destin face au cadi, choix et autonomie sont presque devenus un biface moral. Le fais des choix « libres de toute contraintes » car je suis un individu autonome.

 

 

6-La responsabilité

Par conséquent, dans une société de personnes libres et autonomes, le poids des actes fais par une personne s'accentue. Si nous sommes autonomes, nos actes nous appartiennent, nous devons donc en répondre.

Autonomie et responsabilité en sont donc venus à se marier définitivement, l'un n'allant pas sans l'autre. Ils sont devenus des référents idéologiques fondamentaux dans le système capitaliste démocratique : chaque personne devient porteuse et responsable de ses actes, comme si ceux-ci s'effectuaient dans un vide, sans contingences externes.

Au final, le binôme autonomie et responsabilité est venu mettre à mal le lien social qui suppose justement l'interdépendance et ce depuis le plus jeune âge, surtout quand on sait, comme nous l'avons vu dans les articles précédents, que le rapport au monde de l'enfant en bas âge dépend fortement de ce que son entourage lui apprend à sentir et à percevoir du monde. Ainsi l'individu autonome se ferme en croyant à son autonomie aux perceptions des autres pour se centrer sur son propre intérieur, seule source de puissance selon la doctrine d'autonomie-responsabilité.

 

 

7-Autonomie et négation de l'autre et du monde

La valorisation de l'autonomie est au pauvre ce que le self-made man est au riche ; une conception de la construction de soi en dehors de toutes contraintes et un refus des contraintes.

Hors le social est nécessairement contrainte et seul, l'individu s'exclue des ressources du collectifs (qui s'il n'est pas nié par la personne responsable-autonome, est souvent considéré d'un simple point de vue fonctionnaliste – je vais voire telle personne pour ce qu'elle peut m'apporter dans mon développement).

La relation avec autrui est nécessairement établissement de contraintes et de règles à suivre même quand l'autre n'est pas là (c'est les bases mêmes de la confiance). Suivre des règles sans autre regard exterieur que le propre regard que je porte sur moi, c'est ce que je nomme la discipline. La discipline, le respect des liens et modalités de relation à autrui. C'est le respect de la pratique relationnelle qui existe entre moi et les autres en fonction de nos histoires de vie communes. La discipline, c'est le respect de l'histoire commune, le respect de l'autre et de ce que je sais de lui.

Au contraire, la personne autonome et responsable de ses actes voit dans la discipline une survivance des dogmes du marxisme et des logiques de « rester dans la ligne ». Hors rester dans la ligne est nécessaire, c'est par définition « la filiation », le respect des anciens, à commencer de l'ancien que l'on est, soi, en se comparant à avant.

Enfin, parce que morale, l'autonomie devient en second lieu culpabilisation : puisqu'elle va avec la responsabilité, la personne qui ne peut répondre de ses actes est jugée coupable – hors comme nous le verrons, l'essentiel de nos actes échappent à notre capacité à faire des liens, ce qui revient pour la personne autonome-responsable a devenir juge des gens qui éprouvent des difficultés à répondre de leurs actes.

 

 

8-Autonomie et système malade

Un exemple consiste par exemple à placer des gens dans un systèmes contraignant leurs capacités au point qu'ils ne peuvent plus agir au mieux. Si on leur demande pourquoi ils font des erreurs (alors que c'est le système qui les leur fait connaître) le surpoids conféré aux actes les entraîneront à coup sûr à dire qu'elles sont incompétentes. C'est ce que l'on nomme la norme d'internalité, qui consiste à donner une surimportance à l'individu dans ses propres choix, et à nier ceux du système et des contraintes dont il est porteur.

 

 

Commenter cet article